L'Union européenne s'est attelée ces quarante-huit heures à faire baisser la tension entre Tunis et Rome et à dégager une aide substantielle pour la Tunisie. L'Italie a officiellement demandé, lundi, à la Commission européenne, une aide de 100 millions d'euros, ainsi que l'élargissement du rôle de Frontex, l'agence de surveillance des frontières européennes. Face à la vague de migrants tunisiens, l'Italie a également décidé d'une aide d'urgence de cinq millions d'euros pour la Tunisie et annoncera une ligne de crédit de 100 millions lors de la conférence internationale sur les réformes dans ce pays, prévue en mars à Carthage, a indiqué M.Frattini. La chef de la diplomatie européenne, la Britannique Catherine Ashton, a annoncé que l'UE allait «immédiatement débloquer 17 millions d'euros pour aider le gouvernement tunisien» et 258 millions d'euros d'ici à 2013. Interrogé sur un éventuel envoi de renforts policiers en Tunisie pour endiguer ces flux, M. Hortefeux, ministre français de l'Intérieur, a rappelé que le gouvernement tunisien n'y était pas favorable, voyant là une «ingérence dans ses affaires» et une «atteinte à sa souveraineté». Effectivement, le ministre italien de l'Intérieur, Roberto Maroni, avait indiqué, dimanche, son intention de demander l'envoi de policiers italiens en Tunisie, une idée qui mit en colère Tunis et jugée «inacceptable» par les nouveaux dirigeants tunisiens, qui affirment par ailleurs être «prêts à coopérer». Les frictions entre les deux pays étaient telles que le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, s'est rendu à Tunis pour apaiser la crise et rencontrer le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, lors d'une visite éclair en marge d'un voyage prévu de longue date en Syrie et en Jordanie. Dans le but d'apaiser les tensions avec le gouvernement tunisien de transition, confronté à sa première crise diplomatique un mois après la chute de Zine El Abidine Ben Ali, l'Italie a proposé lundi une aide «opérationnelle» à la Tunisie pour lutter contre l'afflux massif de clandestins sur ses côtes. A l'issue de l'entretien, M.Frattini a indiqué lui-même avoir offert une «coopération pragmatique et opérationnelle dans le respect de la souveraineté de l'Etat tunisien pour endiguer l'exode de clandestins», a indiqué l'agence tunisienne TAP. «Il y aura des réunions à l'échelon européen», a dit M.Hortefeux sans en préciser la date. Une réunion des ministres de l'Intérieur de l'UE est, toutefois, prévue le 24 février à Bruxelles. «Nous prendrons des décisions avec l'ensemble de l'Europe», a répondu sur la chaîne de télévision française LCI le ministre en charge de l'immigration, Eric Besson, alors qu'on lui demandait si la France allait accueillir une partie de ces migrants. L'accueil éventuel par la France d'une partie des 5000 immigrés tunisiens arrivés clandestinement sur l'île italienne de Lampedusa, à 138 km des côtes tunisiennes, sera décidé en concertation au niveau européen, a déclaré hier, Brice Hortefeux. Après avoir étudié la question, le ministre français des Affaires européennes, Laurent Wauquiez, a déclaré lors d'une conférence de presse, hier après-midi, que la France ne prévoit d'accueillir des Tunisiens débarqués sur l'île italienne de Lampedusa que dans des cas «très marginaux», car elle ne veut pas donner «une prime à l'immigration illégale».. «On examinera...c'est le ministre de l'Intérieur qui le fera...au cas par cas et sur mesure, ceux qui peuvent rentrer dans notre droit de l'immigration et ces cas-là ne peuvent être que très marginaux», a-t-il précisé. «On ne peut pas créer un appel d'air avec une prime à l'immigration illégale», a-t-il insisté. Selon le maire de Lampedusa cité par la presse, «l'Italie n'est pas capable d'accueillir sur cet îlot autant de monde». Le maire de l'île soulignait par ailleurs que les 5 500 personnes arrivées en trois jours, de vendredi à dimanche, sont «autant que (ceux arrivés) toute l'année dernière sur ces côtes», précisant que la plupart des migrants souhaitent se rendre en France ou vit une communauté tunisienne de 600.000 personnes. La tension entre l'Italie et la France s'était imposée à l'ordre du jour de la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, arrivée lundi à Tunis pour une visite destinée au départ à apporter le soutien de l'UE aux réformes politiques et à la relance économique cruciale pour la transition. «La Commission à Bruxelles est en contact avec la Tunisie et l'Italie pour régler ce problème de clandestins», avait-elle indiqué lors d'une conférence de presse alors que l'Italie avait demandé «l'intervention urgente» de l'UE. Elle a également espéré que le «statut avancé» serait prêt à être ratifié par le gouvernement issu des élections prévues dans six mois. La Tunisie tient particulièrement à obtenir de l'UE ce statut qui ouvre la voie à un traitement douanier préférentiel. Selon l'Organisation internationale sur les migrations (OIM), les arrivées de migrants tunisiens à Lampedusa se sont arrêtées dès lundi.