La Ligue arabe se consume dans l'incrédibilité et le silence révélateur du profond décalage entre le sentiment populaire de révolte et un appareil sclérosé et paralytique. Le sommet annuel des chefs d'Etat de la Ligue arabe, aura lieu le 29 mars à Baghdad, a déclaré, lundi dernier à la presse, l'ambassadeur d'Irak auprès de l'institution panarabe, qui siège au Caire. Ce sommet aura lieu, il est utile de le noter, sans les Zine El Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak, fraîchement déchus, deux «tyrans» chassés par leurs peuples révoltés. L'ambassadeur d'Irak auprès de la Ligue a, également, indiqué qu'une réunion préparatoire au sommet se tiendrait le 28 mars au niveau des ministres des Affaires étrangères à Baghdad. Les représentants permanents se réuniront, quant à eux, les 26 et 27 mars au Caire. Cette fois-ci, la rencontre annuelle des chefs d'Etat arabes se fera, il est utile de le souligner, dans un contexte sans précédent. En effet, le sommet en question se tiendra, dans un contexte marqué par des révoltes qui, de plus en plus, se déchaînent à travers le Monde arabe. Aujourd'hui, la Ligue arabe, en mal de réformes salvatrices et de crédibilité, se consume dans un silence révélateur du profond décalage entre le sentiment populaire de révolte et exacerbé par les frustrations accumulées et un appareil sclérosé et paralytique. Siégeant au Caire, Amr Moussa appuyé par Moubarak, a fait de la Ligue une coquille vide, s'opposant fermement aux changements et réformes de cette institution, proposés par un pays membre, en l'occurrence l'Algérie. La «Ligue du Caire», assimilée à une annexe du ministère des Affaires étrangères égyptien, se perd, aujourd'hui, en conjectures et en débats stériles privilégiant les querelles de leadership et les schismes ravageurs qui ont profité à la consécration de l'hégémonie «moubarkiste». Mais, que fera aujourd'hui Amr Moussa à la suite de la chute de son tuteur et du fait des vents de changement qui soufflent sur le Moyen- Orient et les pays de l'Afrique du Nord? La Ligue sera-t-elle épargnée par le changement? Au regard des événements en cours, tout porte à croire que le soulèvement arabe risque de causer des dommages collatéraux, entraînant une recomposition et reconfiguration des différentes institutions arabes, à leur tête la Ligue, dirigée d'une main de fer par Amr Moussa. Les peuples arabes ont brisé le mur du silence, ils refusent de se taire. Sans armes, ils font face à la tyrannie et réclament des changements radicaux pour s'affranchir des vieux carcans de leurs régimes, imposés au lendemain des indépendances. Cet élan de révolte inspire la contestation dans des pays dominés par des régimes autoritaires, à savoir le Yémen, la Jordanie, le Bahreïn, le Maroc, l'Algérie, la Libye et d'autres suivront. La marche pour le changement et la volonté des peuples arabes souhaitant l'avènement de la démocratie se développent en leur faveur. Aussi, il faut dire que Amr Moussa n'est pas dupe. Il a ainsi fait savoir, lors d'un sommet économique des dirigeants arabes, le mois dernier à Charm el-Cheikh (Egypte), que «la colère et la frustration des populations arabes avaient atteint un niveau sans précédent». Par ailleurs, des voix dans la rue arabe qualifient, d'ores et déjà, la prochaine rencontre des chefs d'Etat arabes comme étant celle des tyrans, qui n'ont aucune légitimité populaire. Enfin, il convient de relever que le scénario du chaos généralisé fondé sur le leadership égyptien sur la Ligue peut provoquer des changements à la tête de celle-ci, voire dans son fonctionnement et son rôle régional et international, si cette dernière échappe aux griffes des dictatures et monarchies qui l'ont longtemps domestiquée.