Afin de nous présenter son roman des plus sensitif et poignant, l'auteur sera parmi nous le 26 février, à la salle Frantz-Fanon de Riad El Feth. De quoi sommes-nous capables de faire par amour? Du pire peut-être comme du meilleur. Du mal sans doute, aux yeux des autres, mais du bien pour l'autre, l'être cher, celui qu'on aime. Quand la folie décide pour la raison, qui perd le contrôle, le coeur endosse sa logique suprême. Ne dit-on pas aimer à perde la raison? Si Marie- Madelaine d'Aubray alias la Brinvilliers, marquise des ombres, a eu recours au poison au XVIIe siècle afin d'éliminer une partie de sa famille par appat du gain puis par passion, Paul Sedroches fera appel, lui aussi, à un subterfuge qui relève de l'imposture pour sublimer celle qu'il aime. De la falsification pour une vérité retrouvée. Ceci est l'intrigue de ce livre vaporeux et exquis signé Minh Tran Huy. Comme son héroïne, une pianiste maudite, elle, est née en France avec des origines vietnamiennes. Un souffle de nostalgie déteint indubitablement sur ce roman plein de douces rêveries comme une sieste céleste qu'on ferait à l'ombre d'un lac flouté de brouillard de mélancolie. Anna Song, «la plus grande pianiste vivante dont personne n'a jamais entendu parler» voilà comment est présenté cette artiste promise à un brillant avenir dans la musique classique, si ce n'est le destin qui s'est acharné sur ses doigts et son corps, la faisant basculer dans le néant par désespoir et maladie... Paul Desroches, son fidèle mari mais aussi manager, fait sa connaissance alors qu'il n'a que huit ans. Il venait de perde ses parents. C'est de l'apaisement qu'il a toujours ressenti en compagnie de cette petite fille prodige qui lui contait l'histoire de sa famille et ce valeureux grand-père qui résistait contre le colon français. De l'émerveillement enfantin qui se transformera en amour vrai et sincère quand il revit, quinze plus tard, celle qui deviendra sa femme. L'amoureux transi qu'il était ne rêvait que de gloire pour sa bien-aimée, pour qu'elle puisse enfin prendre sa revanche sur le destin et ses maîtres de la Julliard School qui l'ont abandonné en cours de route. L'amour fait déplacer des montagnes, bousculer l'ordre des choses. Nous fait faire des choses parfois insensées qui aveuglent notre jugement. Mais que vaut le monde face à la grâce de cette émotion?«Vivre c'est s'obstiner à achever un souvenir» écrit le poète René Char. Un vers que l'on trouve en ouverture du roman comme avant-goût de ce qui va suivre. En effet, Paul Desroches s'emploiera de toutes ses forces à redonner à ces souvenirs d'enfance leur lustre d'antan en s'entêtant à décliner une image des plus parfaites d'Anna Song. «La réalité est-elle à la hauteur de l'imagination?» Sans doute que oui pour notre manager scrupuleux, qui fera éditer plus d'une centaine d'enregistrements en attribuant plus de la moitié à Anna Song. Une discographie qu'il inventa de toutes pièces, car appartenant à plusieurs autres musiciens et diffusée sous le nom de la pianiste. Au fur et à mesure que la santé de celle-ci déclinait, sa notoriété grandissait. Bientôt des informations élogieuses à son égard, distillées par son mari, commençaient à pleuvoir. «Retoucher la réalité n'est pas un crime. Qui peut distinguer ce qui est vrai, juste, exact, de ce qui ne l'est pas? Il arrive que la vérité soit tissée d'impostures, que les creux aient l'importance des pleins, que les choses tues comptent ainsi plus que celles qui sont dites», ainsi confie Paul Desroches dans un de ses récits ou confession intime qui succède à chaque article publié sur la pianiste, dans le roman. La musique, Anna Song est tombée dedans depuis toute petite. Sa mère en jouait et elle l'initia dès l'âge de trois ans en la mettant devant un piano sur ses genoux. La rencontre providentielle entre Anna et Paul est le fruit d'une amitié entre leurs deux grands-mères. C'est aussi lors de l'enterrement de la grand-mère de Paul que les retrouvailles se feront, scellant une relation d'amour et d'amitié pour toujours. Plus qu'une histoire, une passion pour son idole, la double vie d'Anna Song est une ode à l'amour, au sacrifice et par-dessus tout, à la musique et sa magie qui étend ses ailes sur l'âme humaine. Roman très visuel, à «sensation» il vous entraîne immanquablement au dedans de vous-mêmes, vous happe d'emblée. Ne vous étonnez pas à verser quelques larmes pour les plus sensibles d'entres vous, tant le roman est poignant. Née en 1979, Minh Tran Huy compte à son actif un premier roman La Princesse et le pécheur, un clin d'oeil est d'ailleurs fait à ce roman dans le second, publié également chez Acte Sud. Il s'agit, bien entendu, de La Double vie d'Anna Song. L'auteure est également détentrice d'un recueil de contes et légendes du Vietnam, Le Lac né en une nuit. Gageons que la discussion avec le public, le 26 février prochain à la salle Frantz-Fanon dans le cadre du Diwan Abdelatif, initiée par l'Aarc sera des plus passionnantes!