Il avait aussi compris que la culture berbère ne se limitait pas à l'espace géographique de la Kabylie, mais que c'était toute l'Algérie. Interrogez n'importe quel spécialiste, il vous dira que Mouloud Mammeri est le symbole incontestable de la réhabilitation de l'amazighité. Ce n'est pas un militant acharné, doté d'une fougue inextinguible dont il s'agit, mais d'un chercheur patient et passionné qui a très tôt compris qu'il avait un rôle déterminant à jouer pour préserver sa culture berbère menacée sérieusement de disparition. Mouloud Mammeri avait aussi compris que la culture berbère ne se limitait pas à l'espace géographique de la Kabylie, mais que c'était toute l'Algérie et l'Afrique du Nord qui étaient berbères. C'est pourquoi, ses pérégrinations intellectuelles l'ont conduit au sud algérien où il a passé de longues années. Il était dans cet antre de la berbérité pour reconstituer des vérités historiques que reflète la culture à ce jour vivace des enfants de cette partie de la Berbérie. Il en est revenu avec un précieux livre L'Ahelil du Gourara. C'est en 1984 que ce livre est publié pour la première fois aux éditions MSH de Paris. C'était au moment où Mouloud Mammeri venait de sacrifier sa carrière de romancier qui s'annonçait des plus brillantes. Un sacrifice des plus évocateurs et des plus méritoires. Mammeri avait jugé qu'il était plus urgent de se consacrer au travail de la sauvegarde du patrimoine culturel berbère dans plus d'une variante. C'est pourquoi, juste après l'édition de son quatrième roman, La traversée (Editions Plon, Paris, 1982), il a consacré tout son temps et son énergie au service de la culture berbère. Mais bien avant, il avait déjà effectué des recherches dans le même sens qui ont abouti à la publication du livre: Les isefra de Si Mohand Ou Mhand, en 1969 puis de Poèmes kabyles anciens en 1980. Mouloud Mammeri ne s'est pas arrêté en si bon chemin, puisque dans le volet des traductions et critiques littéraires, il a aussi écrit Yennayas Cheikh Mohand, Machacho, contes berbères de Kabylie et Tellem Chaho, conte berbères de Kabylie. Dans le domaine de la grammaire et la linguistique berbères, la langue maternelle de millions d'Algériens lui doit aussi plusieurs travaux comme Tajerumt n tmazight, Précis de grammaire berbère, Lexique français-touareg, réalisé en collaboration avec J.M.Cortade, Amawal Tamazight-français et français-tamazight et enfin Awal, Cahiers d'études berbères. Mouloud Mammeri est l'auteur de quatre romans: La colline oubliée, Le sommeil du juste, L'opium et le bâton, et la Traversée. Mouloud Mammeri est l'auteur de plusieurs recueils de nouvelles dont Escales, Ténéré atavique, Le désert atavique, L'Hibiscus, La meute, Le Zèbre, Ameur des arcades et l'Ordre. L'intérêt que Mammeri portait à la culture berbère a conduit, par ricochet, au déclenchement des événements du Printemps berbère, en 1980, et qui ont ébranlé l'Algérie. A travers ces événements, le peuple a exigé de l'Etat algérien la reconnaissance officiel de la langue et culture berbères. Mouloud Mammeri se dirigeait en mars 1980, vers la ville de Tizi Ouzou où il était programmé pour animer une conférence à l'université au sujet de son dernier livre Poèmes kabyles anciens. A Draâ Ben Khedda, il est interpellé et on lui signifia que sa conférence était interdite par les autorités. Cette interdiction fut la goutte qui a fait déborder le vase et il a fallu 15 ans, pour que la langue amazighe soit introduite dans le système éducatif algérien, en 1995 et plus de 20 ans pour qu'elle soit reconnue comme langue nationale dans la constitution algérienne. Aujourd'hui, deux édifices importants portent son nom dans la ville de Tizi Ouzou. Il s'agit de l'université et de la Maison de la culture.