Mouloud Mammeri, Bessaoud Mohand Arab et Matoub Lounès sont incontestablement les pionniers du combat identitaire. Aujourd'hui, ils sont devenus les symboles incontournables de l'amazighité. Si on devait les qualifier autrement, on dirait d'eux qu'ils sont les locomotives de l'amazighité. L'apport de Bessaoud Mohand Arab à la lutte pacifique pour la réhabilitation de la dimension amazighe de l'identité algérienne est incommensurable. C'est durant les années soixante et soixante-dix que Bessaoud Mohand Arab a fait du combat pour tamazight sa raison de vivre. Bessaoud et l'équipe qu'il a réussi à bâtir autour de lui ont pu éveiller les consciences de milliers d'Algériens au sujet de l'amazighité de l'Algérie. Une amazighité, exclue et interdite, voire combattue violemment. Dans un contexte extrêmement difficile, fait de répression anti-berbère, Bessaoud Mohand Arab crée une organisation qu'il dénomme: l'Académie berbère. Cette dernière a joué un rôle déterminant dans le combat amazigh. Bien que domicilié à Paris, cet ancien maquisard qui ne sera reconnu en tant que tel qu'après l'arrivée de Abdelaziz Bouteflika au pouvoir, effectue un travail titanesque en direction des militants de la cause amazighe se trouvant en Kabylie et à Alger, ainsi que dans quelques grandes villes comme Oran. A travers des publications clandestines qui circulaient sous le manteau, Bessaoud faisait découvrir aux siens les caractères tifinagh de la langue amazighe. Etonné de découvrir que leur langue s'écrit, les militants s'initient de plus en plus à cette langue maternelle. L'apprentissage de l'écriture berbère devient dans les années soixante-dix une mode et une passion, en dépit des dangers que cette démarche comportait. Ils sont des milliers aujourd'hui à garder les souvenirs des lettres et des revues que leur envoyait Bessaoud à partir de Paris. Bessaoud peut donc être qualifié de précurseur du combat pour tamazight, particulièrement sur le volet de la prise de conscience et de la mobilisation. Sur un autre plan, celui de la recherche scientifique, c'est sans doute le nom de Mouloud Mammeri qui scintillera éternellement quand il s'agira d'écrire l'histoire de la réhabilitation de tamazight. Il suffit pour cela de rappeler qu'il a été l'auteur de la première grammaire amazighe. Il a publié un nombre considérable de livres inhérents à la culture berbère. Il a récolté et traduit des centaines de poèmes de grands poètes kabyles et les a publiés sous forme de livres. Le travail gigantesque de Mouloud Mammeri dans le domaine amazigh, il l'a fait au détriment de son talent de romancier. Il a vu juste en pensant peut-être qu'il était de son devoir de poser les premiers jalons de la recherche dans le domaine berbère afin de dépoussiérer les dernières traces de cette culture que l'amnésie et l'absence d'écrits menaçaient d'emporter. Dans le domaine de la recherche, Mouloud Mammeri est aujourd'hui la référence. Sans oublier que c'est l'interdiction de sa conférence qui a déclenché les événements du Printemps berbère. Pour tamazight, pour l'Algérie et pour la démocratie, Matoub Lounès a consenti le sacrifice suprême. Ce n'est pas parce qu'il a été assassiné que sa voix a cessé pour autant de retentir sur la terre des hommes libres. Matoub dont la carrière et le parcours de combattant ont commencé deux ans avant le déclenchement des événements du Printemps berbère, est aujourd'hui le symbole de l'amazighité, pas uniquement en Algérie mais aussi au Maroc et chez les Berbères des quatre coins du monde. Poète, rebelle, résistant, musicien au talent inégalé, interprète à la voix exceptionnelle et incomparable, anticonformiste, anarchiste, courageux, incorruptible, généreux, populaire, modeste...Les mots sont insuffisants pour dire Matoub dans un seul article. Il suffit de dire Matoub pour tout dire à son sujet en ce jour anniversaire d'un Printemps berbère où sa voix retentit dans les quatre coins de la Kabylie, même en son absence...