Le livre se propose de jeter un regard sur la Kabylie du début du XXe siècle jusqu'à 1962. La librairie «Cheikh» de Tizi Ouzou a accueilli, le week-end dernier, l'écrivaine Bahia Amellal, venue dédicacer son deuxième livre intitulé Dans le giron d'une montagne. Dans une ambiance bon enfant, l'auteure a pu rencon-trer de nombreux lecteurs pour parler de son ouvrage. A ses côtés, il y avait plusieurs de ses amis ainsi que le romancier et nouvelliste Mohammed Attaf qui ne rate plus aucun de ces rendez-vous littéraires. Le nouveau livre de Bahia Amellal, publié aux Editions «Achab» n'est ni un roman ni un récit. L'auteure présente son ouvrage comme étant une chronique tout simplement. Cette dernière se propose de jeter un regard sur la Kabylie du début du XXe siècle jusqu'à 1962. «Une société d'alors, simple et détachée du matériel, s'éloigne de plus en plus de nous, avec les évolutions socioéconomiques. Elle est racontée de l'extérieur et avec distance, celle qui nous sépare d'elle», explique Bahia Amellal. Cette dernière précise aussi que, pour des raisons pratiques, ce parcours a été tracé à l'aide de quelques personnages et d'un village qui ne porte pas de nom. L'écrivaine précise qu'il peut s'agir de n'importe quel village kabyle à quelques exceptions près: «Ici l'école primaire existe, chose rare. Les missionnaires s'y sont implantés depuis cinq décennies, ce qui n'est pas le cas pour tous les villages. Une mairie viendra côtoyer tajmait lorsque ce village deviendra municipalité.» Le livre de Bahia Amellal propose de dépeindre la vie sociale, culturelle et politique d'une communauté. L'auteur remonte très loin en arrière, jusqu'à 1871, en évoquant les séquelles psychologiques de l'insurrection de 1871 et de l'arrivée des missionnaires en 1873. L'écrivaine revient ensuite à l'entre-deux guerres où les villageois, livrés à eux-mêmes, s'autogèrent sans l'intervention d'une tutelle ou d'une autorité si ce n'est tajmait. Bahia Amellal, avec un style sans fioriture décrit la séparation des tâches entre hommes et femmes, l'adaptation aux humeurs du climat, la réciprocité des échanges, la solidarité, la politesse et le respect, l'attachement à la terre et la relation inconditionnelle à la nature, source de sagesse. Tous ces éléments constituent aux yeux de l'écrivaine, les piliers fondateurs d'un équilibre social où, pourtant, les hommes se partagent un espace exigu, rigoureux et âpre. Dans cette vie simple et dépourvue de prétention ou d'ambition, l'instituteur, le missionnaire, l'imam et le sage sont les incontournables référents à qui l'on réserve une place particulière dans une société qui, malgré tout, a constamment besoin d'orientation. Il est aussi question de la Seconde Guerre mondiale et de ses conséquences sur la population. L'accalmie, qui suivra et apportera un semblant d'apaisement après une guerre qui a atterré les espoirs, est abordée avec moult détails. «Le retour des émigrés, piégés de l'autre côté de la mer à cause des événements militaires, va ranimer la contrée, aussi bien sur le plan matériel que sur le plan intellectuel», souligne Bahia Amellal. Le livre s'attarde sur des événements jugés importants parce qu'ils allaient changer les contours de la région. Il s'agit de l'apparition de certaines municipalités. L'administration coloniale s'introduit en plein centre du village. La guerre de Libération nationale est une page des plus prégnantes du livre. Bahia Amellal parle des consciences en éveil qui entretiennent une flamme révolutionnaire plus que jamais ardente: «Des faits comme le chômage persistant, les Oumeri, le lycée, la radio, les chants et la métropole vont contribuer à la conscientisation et à l'éveil politique», conclut l'écrivaine qui a déjà publié un premier livre chez le même éditeur La Ruche de Kabylie (1940-1975). Notons que le livre est agrémenté de photos qui rappellent la Kabylie d'antan avec sa maison traditionnelle, la jarre, l'akufi, le village kabyle traditionnel, etc. La photo de la couverture est tirée du livre de G. Laoust-Chantréaux, Mémoire de Kabylie (Editions EdiSud, 1991).