La déclaration d'Ahmed Ben Bella à propos de Abane Ramdane continue de nourrir la polémique. Le témoignage de Ben Bella que diffuse la chaîne Al Jazira tous les samedis aurait pu passer inaperçu n'eût été cette phrase de trop qu'a prononcée le premier président de la RADP en traitant Abane Ramdane de «traître». Aussitôt, des voix se sont élevées pour dénoncer cette déclaration injurieuse pour le principal architecte du Congrès de la Soummam. Il faut rappeler que la même polémique avait eu lieu quand Ali Kafi, l'ancien président du HCE, avait touché à l'aura de Abane. L'affaire avait abouti devant les tribunaux, rappelle-t-on. A présent, le même scénario se reproduit, avec les mêmes ingrédients. Rédha Malek, qui tenait le journal El Moudjahid quand Abane donnait des explications aux colonialistes sur le sens du «jihad» par le biais d'un éditorial, est le premier à réagir. Il estime que les déclarations de Ben Bella «ne sauraient, en aucun cas, ternir la mémoire du grand patriote révolutionnaire Abane Ramdane, ni porter atteinte à son intégrité morale». Mais il relève dans le même communiqué qu'«il est vain de mettre en contradiction l'appel du 1er Novembre 1954 avec la plate-forme d'août 1956. Entre eux, il y a au contraire continuité et approfondissement». Lors de la session ordinaire de son conseil national, le RCD indique que «les attaques répétées de certaines personnalités contre le congrès de la Soummam et Abane Ramdane, outre qu'elles signent l'infamie et l'indignité dans lesquelles s'abîment les accusateurs, appellent autant à un travail de mémoire que de prospective». Yacef Saadi, qui se présente en ancien responsable de la Zone autonome d'Alger, verse dans l'insulte. Dans un long texte rendu public hier, il écrit: «Meziani Ahmed Ben Bella n'a rien d'autre dans la tête que de salir la mémoire de Abane Ramdane qui, dans toutes les étapes que connut la guerre de libération, était aux premières loges. Aujourd'hui, Ben Bella le traite de ‘‘traître'' alors qu'on sait que la seule raison qui l'anime est celle qui consiste à se dédouaner à peu de frais en chargeant d'opprobre Abane parce qu'il est Kabyle.» Hocine Aït Ahmed, qui connaissait Abane et qui se trouvait avec Ben Bella au Caire au moment où se tenaient les assises de la Soummam, préfère reconnaître à Abane la paternité de l'axiome, qui donne la primauté au politique sur le militaire et rappelle qu'on aurait dû l'écouter à cette époque-là, afin de raccourcir le chemin vers la démocratie. La polémique n'est qu'à son commencement. Les gardiens de la bonne conscience sont là pour rappeler que les «historiques» ne sont pas tous pareils. Mais l'important dans tout cela est que ceux qui veulent briser tous les tabous se parent du voile sacralisé de l'histoire et trouvent toujours les arguments pour justifier leurs péchés actuels.