Arrestations d'opposants, licenciement de grévistes: le pouvoir fait montre de fermeté à Bahreïn après la répression du mouvement de contestation dirigé par la majorité chiite le mois dernier. Si des chars de l'armée sont encore postés à l'entrée du district financier de Manama, le couvre-feu a été progressivement levé et la capitale du petit royaume du Golfe reprend son animation coutumière. Les soldats de la force des pays du Golfe, le Bouclier de la péninsule, en majorité saoudiens, venus prêter main-forte à la dynastie sunnite des Al-Khalifa, ne sont pas visibles et sont chargés de protéger les installations vitales. Mais le monument central de la place de la Perle, où les manifestants avaient campé pendant près d'un mois avant d'en être délogés violemment le 16 mars, a été rasé, comme pour éradiquer la mémoire de ces protestations au cours desquelles les manifestants ont tenu pendant quelques jours le coeur de Manama. Les contestataires réclamaient des réformes politiques mais les plus radicaux étaient allés jusqu'à appeler à la chute des Al-Khalifa, une ligne rouge à ne pas franchir pour les monarchies voisines du Golfe intervenues militairement dans le royaume, suscitant une crise avec l'Iran chiite. Selon les autorités, les troubles dans cette seule monarchie du Golfe où la population est en majorité chiite ont fait au moins 24 morts de la mi-février à la mi-mars. La répression du mouvement de contestation a été suivie de rafles au cours desquelles quelque «400 personnes, dont au moins 15 femmes, ont été arrêtées», selon Khalil al-Marzouk, député démissionnaire d'Al-Wefaq, le principal groupe de l'opposition chiite. En outre, «environ 800 personnes ont été licenciées» pour avoir répondu à l'appel à la grève générale illimitée lancé par la centrale syndicale à la mi-mars, selon lui. Les journaux annoncent chaque jour des licenciements d'employés s'étant absentés durant l'appel à la grève. La compagnie de télécommunications Batelco a licencié 85 employés alors que la compagnie nationale de pétrole Bapco en a renvoyé 9 et soumet 230 à une enquête sur les raisons de leur absence. Le ministère des Municipalités a licencié 21 fonctionnaires, et une commission d'enquête a préconisé le licenciement de 111 fonctionnaires du ministère de l'Education. La télévision passe des images des manifestations de mars, identifiant certains participants, dans le cadre de cette chasse aux sorcières. Quant au dialogue national entre l'opposition et le pouvoir, il semble bloqué. Le prince héritier, Salman Hamad Al-Khalifa, a affirmé hier sa volonté d'aller de l'avant dans les réformes mais n'a pas évoqué le dialoguer qu'il avait été chargé de mener avec l'opposition. Les députés ont annoncé dans un communiqué qu'il n'y aurait «pas de dialogue national hors du Parlement». Or le Parlement, qui compte 40 élus au total, avait accepté la semaine dernière la démission de 11 des 18 députés d'Al-Wefaq. «Il s'agit d'une déclaration vide de sens, et cela montre que le pouvoir ne veut ni dialogue ni réformes. De plus, comment l'opposition peut-elle dialogue sous la menace des chars?» s'insurge M.Marzouk.