Lounès Sabi est un jeune chanteur de la région de Makouda, wilaya de Tizi Ouzou. Il a produit plusieurs CD et vient d'éditer son premier VCD. Dans cet entretien, il se livre à coeur ouvert à nos lecteurs. L'Expression: Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs? Lounes Sabi: Je suis un auteur compositeur et interprète, originaire de Attouche dans la daïra de Makouda, Tizi Ouzou. J'ai, à mon actif, trois albums sur le marché. Le premier a été édité en 2005. Il a pour titre Semmehiyi (Pardonne-moi), le deuxième Muqqlent wallen (Visions) édité en 2007, puis est venu le troisième en février 2010 et qui a pour titre Tajmilt iy fennanen (hommage aux artistes). Actuellement, je viens d'achever mon DVD et VCD, chants et traditions (Cna d' Wansayen) qui seront commercialisés au début du mois de mai 2011 par les éditions Maâtkas Musique. Pourquoi avez-vous attendu tant d'années pour éditer votre premier VCD? En réalité, j'ai commencé le tournage de mes clips depuis longtemps, Muqlent wallen (Visions) en 2007, en 2008 j'ai réalisé deux autres clips ayant pour titres Tamacahutt (le Conte) et Fell-am cennugh (Je chante pour toi), et en 2010, j'ai réalisé un clip pour la chanson Wissen (Peut-être), et enfin en 2011, j'ai fini de réaliser le contenu de ce VCD grâce, bien sûr, à tout ceux qui y ont contribué et que je remercie beaucoup pour leur aide précieuse afin de faire parvenir le message. Comme vous le savez, pour ce genre de travaux, il faut tout une préparation pour transformer une chanson vers un plateau filmé, ce qui nécessite de grands moyens et la mobilisation de plusieurs personnes. Pourquoi avoir choisi le titre de Chant et traditions? Le choix du titre Chants et traditions (Cna d' Wansayen) est dû au contenu des clips qui relatent et montrent nos traditions à travers les textes des chansons et les images qui leurs sont associées, et ces mêmes traditions qui sont en train de disparaître. Pour cela, je lance des messages pour leur préservation. Il faut les immortaliser de façon à ce qu'on les perpétue et leur permette une bonne diffusion. Parlez-nous un peu de votre style musical, vos influences et les chanteurs qui vous ont marqué par leurs musiques. La plupart de mes chansons s'inscrivent dans un style moderne, ajouté à cela du chaâbi, du rock et d'autres variantes de la musique, puisque chaque poème exige de l'associer à un style musical qui lui convient, et comme l'art n'a pas de frontières, alors j'écoute plusieurs chanteurs dans plusieurs styles. En général, les chanteurs kabyles sont eux-mêmes les compositeurs et auteurs des textes qu'ils chantent. Pourquoi? A mon avis, il y a beaucoup de chanteurs depuis les anciens à ce jour, qui ont bel et bien interprété et enregistré les textes d'autrui, ce qui s'inscrit dans un cadre d'aide et de coopération. Les choses se passent parfois dans l'anonymat, et pour ceux qui arrivent à composer, c'est tant mieux, puisque cela donne l'occasion à une large et multiple création, sans toutefois omettre de demander aide et conseil auprès des autres. Ce n'est pas seulement le besoin de textes ou de mélodies, mais d'autres conseils qui pourraient améliorer le chant et l'approche qu'il faut faire, puisque la chanson kabyle est un véhicule de la culture depuis des lustres. Pour mon premier album, j'ai bien reçu l'aide précieuse de mon frère Kamel Sabi qui est poète, et pour le troisième album, je suis l'auteur et le compositeur. Cela n'a pas empêché la participation de plusieurs personnes entre musiciens, choristes et chanteurs qui ont contribué à l'enrichissement et à l'amélioration de ce produit, sans oublier la participation massive de plusieurs personnes dans la réalisation de mes clips vidéo. Cela dit, il n'y a pas que la poésie et la musique pour s'entraider entre artistes. Quel est votre avis sur la chanson kabyle d'aujourd'hui dominée par le style non-stop? Malgré que la chanson à texte nous semble un peu délaissée, je dirais qu'elle reste bien vivante et beaucoup d'artistes créent et s'imposent dans ce créneau, mais l'orientation du public d'aujourd'hui qui est pour la majorité jeune, fait qu'elle soit un peu doublée par d'autres styles. Ce qui fait que le public est le seul maître. C'est à lui seul de faire la part des choses et créer un certain équilibre des genres et styles musicaux et libre à lui de choisir ses orientations. Quel est l'avenir de la chanson kabyle face à la mondialisation? A mon avis, ce n'est pas seulement la chanson qui est menacée par la mondialisation, mais la culture entière, devant cette globalisation galopante, il n'y aura de place que pour les plus forts, c'est le constat auquel on assiste de nos jours. Alors, au lieu de ne se soucier que de la chanson kabyle seulement, il faut préserver toute la bâtisse qui est la culture par la préservation et la promotion de la langue amazighe, sa diffusion sur un large plan, par le biais du conte ancien et moderne, la création artistique diverse (poésie, théâtre, chant, artisanat et tourisme) sans oublier le souci de bien enseigner l'Histoire depuis nos lointaines origines à nos jours. Bien sûr, si quelqu'un oublie sa langue maternelle, il s'exprime dans une autre langue. Il écoutera et chantera sûrement dans une autre langue. C'est un danger, tel un éboulement qui emportera le sol et les racines.