Les manifestations qui s'étendent peu à peu à l'ensemble des villes du pays sont devenues quasi quotidiennes alors que se poursuivent les appels à manifester sur Facebook. Il faut croire que toutes les réformes décidées ou entreprises par Al Assad sont estimées insuffisantes aux yeux de l'opposition, qui poursuit ses manifestations. Lors d'un discours devant le nouveau gouvernement, prononcé samedi dernier, le président Bashar Al Assad avait annoncé que la loi d'urgence, adoptée en 1962 et dont l'abrogation est l'une des principales revendications des contestataires, serait abolie dans une semaine maximum. Il faut croire que la revendication de l'abrogation de cette loi est désormais dépassée par la tournure prise par les événements. Ainsi, en réponse à une première demande du peuple, un nouveau gouvernement a été formé jeudi, avec pour tâche d'entreprendre un programme de réformes, le nouveau gouvernement devant notamment s'atteler à la révision des textes portant sur la levée de la loi d'urgence, ainsi qu'à la libéralisation de la presse et l'instauration du pluralisme politique. Le gouvernement mis en place se retrouve cependant dans une position difficile et très délicate. Au moment où le calme aurait dû être rétabli en Syrie - ne serait-ce que pour quelques jours, le temps de la concrétisation de l'abrogation de la loi d'urgence - l'opposition peu convaincue par la volonté d'aller à l'avant du pouvoir a, au contraire, durcit le ton en appelant à l'occasion du 65ème anniversaire de l'Indépendance du pays à manifester dimanche dernier. Au moins onze personnes auraient été tuées ce jour là par les forces de sécurité à Talbisseh, près de Homs (centre). Selon des militants qui ont requis l'anonymat, les forces de sécurité ont tiré, dimanche, à balles réelles pour disperser les manifestants rassemblés dans le quartier de Bab Sba'a à Homs, à 160 km au nord de Damas. Sept personnes auraient trouvé la mort lors de ces manifestations et une vingtaine ont été blessées, selon la même source. Ces derniers ont, toutefois, expliqué que la tension était vive depuis l'annonce, samedi à Homs, de la mort d'un cheikh interpellé il y a une semaine. «Les services de sécurité ont remis la dépouille du cheikh Faraj Abou Moussa une semaine après son arrestation en pleine santé à la sortie d'une mosquée», a dit l'un d'eux. La tension est également due aux nouvelles venant de la ville proche de Talbisseh où au moins quatre personnes avaient été tuées également dimanche et plus de 50 blessées lorsque les forces de sécurité ont ouvert le feu sur la foule qui participait aux obsèques d'un Syrien tué la veille, selon des témoins. Le président de l'Observatoire syrien des droits de l'homme, Rami Abdel-Rahmane, a estimé, concernant la situation de la Syrie, que l'abrogation de l'état d'urgence devait être «complétée par l'abolition des tribunaux d'exception», alors que l'avocat et défenseur des droits de l'homme, Haytham Maleh, a demandé «la libération de tous les détenus politiques et de conscience». Rappelons que le bilan des victimes de la révolte est déjà très lourd, avec au moins 200 personnes tuées depuis le début du mouvement de contestation, il y a un mois, la plupart par les forces de sécurité ou par des policiers en civil, selon Amnesty International. L'opposition ne semble décidément pas vouloir jouer le jeu du pouvoir, et suivre le cours des concessions entamées par Al Assad. A ce sujet, le président syrien avait dénoncé le 30 mars une «conspiration» contre son pays. La «conspiration est toujours présente», a-t-il réitéré samedi. Cette hypothèse pourrait se confirmer si les fait rapportés par le Washington Post s'averraient justes. «Les Etats-Unis ont financé en secret des groupes de l'opposition syrienne et une chaîne diffusant des programmes critiques à l'égard du régime du président Bashar al-Assad», a rapporté hier le quotidien américain. Se basant sur des télégrammes diplomatiques diffusés par Wikileaks, le journal indique que la chaîne Barada TV, installée à Londres, a commencé à émettre en avril 2009, puis s'est étoffée pour couvrir la vague de protestations en Syrie.