Après un mois de bombardements en Libye, l'Otan s'installe dans un conflit dont elle ne voit pas l'issue, des voix s'élevant pour appeler désormais à armer les rebelles ou envoyer des troupes au sol face à la résistance du colonel El Gueddafi. «Il y a un certain risque que cette guerre puisse durer», vient de reconnaître le ministre français de la Défense Gérard Longuet, «c'est long et compliqué, et parce que c'est compliqué, c'est long». La France a lancé le 19 mars les premiers assauts de la coalition internationale contre les forces d'El Gueddafi, aux côtés de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis. Il s'agissait alors, sous mandat de l'ONU, de protéger les populations civiles contre le régime contesté. L'objectif a été en partie atteint avec le sauvetage in extremis de la ville de Benghazi, siège des insurgés dans l'est du pays. «Cela a constitué un grand succès car si nous n'étions pas intervenus cela aurait été une catastrophe humanitaire et géopolitique», en envoyant un message aux régimes autoritaires de la région qu'ils n'avaient rien à craindre, estime Nick Witney, analyste au European Council on Foreign Relations. Depuis, l'objectif avoué a évolué. Il s'agit aussi de pousser vers la sortie «le guide de la révolution» qui dirige la Libye d'une main de fer depuis 42 ans. «Il est impossible d'imaginer que la Libye ait un avenir avec El Gueddafi», ont martelé les présidents français et américain, ainsi que le Premier ministre britannique dans une tribune de presse. Mais le colonel El, Gueddafi s'accroche au pouvoir. Il a réussi à contenir l'essentiel des insurgés dans l'est du pays, faisant craindre à terme une possible partition du pays, et a adapté sa stratégie militaire. Après avoir vu son aviation clouée au sol et un tiers de ses armes lourdes détruites, il a ordonné à ses troupes de dissimuler chars et artillerie dans des zones peuplées pour rendre les frappes plus difficiles. «Dans la mesure où les forces d'El Gueddafi ont été contraintes d'aller se cacher, nous devons aller les dénicher», souligne un responsable de l'Otan. La France n'a accepté qu'à reculons de passer le relais du commandement militaire à l'Otan le 31 mars et se plaint depuis du manque de réactivité de l'Alliance, comme du manque d'entrain de nombre de pays à effectuer des frappes au sol contre les troupes d'El Gueddafi. Paris souhaiterait voir les Etats-Unis reprendre un rôle de premier plan dans l'offensive, ce que refuse Washington qui estime avoir déjà suffisamment à faire en Afghanistan et en Irak. Ses intérêts stratégiques sont ailleurs. Pour Nick Witney, «nous devons accepter le fait que nous nous trouvons dans une impasse militaire qui va continuer jusqu'à ce que les Libyens négocient une solution». «Il faudra être patient», prévient-il. Face à l'embourbement qui menace, les pays de l'Otan se disputent sur la nécessité d'intensifier les frappes ou sur la fourniture d'armes aux rebelles. Même la question, longtemps taboue, de l'envoi de soldats sur le terrain est désormais posée. Le président de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale française, Axel Poniatowski, a réclamé lundi à l'OTAN l'envoi de forces spéciales au sol, jugeant que pour l'heure «on se dirige vers un enlisement inutile». Le sort de la ville rebelle de Misrata à l'ouest, où un millier de personnes ont péri en six semaines sous les bombes des forces pro-El Gueddafi, pourrait précipiter les choses.