Sous le feu des critiques de ceux qui dénoncent une volonté de dépecer la Libye, l'OTAN décrète un silence des armes. La «vieille Europe» en prend un coup. Plutôt deux. Coup de tonnerre dans le ciel (pas) serein de Libye : le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a estimé qu'il n'y avait «pas de solution militaire» au conflit en Libye. Dans une interview au magazine allemand Der Spiegel, à paraître aujourd'hui, le boss de l'Alliance atlantique a estimé qu'il fallait une «solution politique». Une déclaration qui risque de froisser les plans de certains pays occidentaux, notamment la France et le Royaume-Uni, qui sont sur le pied de guerre depuis quelque temps et qui évoquent sans ambages la possibilité d'armer les rebelles libyens. A la question de savoir s'il était possible de gagner cette guerre sans envoyer des troupes au sol, M. Rasmussen a répondu : «La réponse sincère à cette question, c'est qu'il n'y a pas de solution militaire à ce conflit. Nous avons besoin d'une solution politique, et c'est l'affaire du peuple libyen d'œuvrer en ce sens.» Il reste à savoir si cette «réponse sincère» du patron de l'OTAN ne cacherait pas une autre réponse, qui arrangerait la stratégie des grandes puissances engagées dans ce conflit. En décodé, Rasmussen semble se laver les mains d'un éventuel engagement sur le terrain contre le régime d'El Gueddafi, du moins au nom de l'Alliance qu'il dirige. Ou alors exprime-t-il un sentiment largement partagé au sein de l'OTAN, à savoir qu'il faudrait laisser les Libyens se débrouiller seuls, quitte à maintenir El Gueddafi. Rasmussen précise également que les Nations unies devraient être le dernier arbitre de ce conflit. Mais «au bout du compte, ce sera l'affaire de l'ONU d'aider la Libye à trouver une solution politique à cette crise», a-t-il estimé. Incontestablement, ces précisions du patron de l'OTAN marquent un tournant dans le traitement de la crise libyenne sujette à une sourde controverse sur la nécessité ou pas de donner un coup de pouce aux rebelles dans leur guerre contre El Gueddafi. La main invisible des Etats-Unis Après le retrait des troupes américaines, cette volte-face de l'OTAN, accusée d'avoir commis des victimes civiles, la France et le Royaume-Uni semblent avoir perdu la «couverture» politique des opérations qu'elles mènent en Libye. Pour cause, David Cameron mais surtout Alain Juppé se présentent comme les redresseurs autoproclamés des torts pour aller chasser El Gueddafi, dont ils annoncent, sans cesse, l'imminence de sa chute. Il est évident que les craintes des pays de la région, de la Ligue arabe et de l'Union africaine d'un probable scénario de partition de la Libye ne sont pas étrangères à ce repli de l'OTAN. Rasmussen résume bien ce sentiment : «L'intégralité territoriale de la Libye doit à tout prix être maintenue.» Et comme pour rassurer ceux qui crient au complot, le boss de l'Alliance rassure : «En ce qui concerne l'OTAN, nous nous concentrons sur la mise en œuvre de la résolution 1973 de l'ONU qui ordonne de protéger les civils libyens, et nous allons nous en tenir strictement à cette résolution, c'est notre mandat.» Sarkozy et Cameron désarmés Exit donc les extrapolations d'Alain Juppé et de David Cameron sur l'usage de «tous les moyens pour protéger les civils» pour justifier l'éventuel armement des rebelles et pourquoi pas l'engagement au sol. C'est dire que le fragile consensus occidental contre El Gueddafi semble avoir volé en éclats face à la réalité du terrain, beaucoup plus compliqué. Le «dégagement» d'El Gueddafi est-il pour autant abandonné par les alliés dont certains se sont même empressés de reconnaître le Conseil national de transition (CNT) basé à Benghazi ? Du bourbier militaire, ces derniers semblent désormais empêtrés dans un véritable labyrinthe politique. Comment, en effet, procéder pour régler ce conflit sans armes et forcer El Gueddafi à quitter le pouvoir ? Une équation à plusieurs inconnues, tant on voit mal comment le «guide» puisse accepter de s'en aller après avoir refusé de le faire sous les feux des bombardements américano-franco-britanniques. Une chose est certaine, ces déclarations de Rasmussen iront droit au cœur d'El Gueddafi…