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La Palestine au coeur des enjeux
DES CROISADES AU NEOCOLONIALISME
Publié dans L'Expression le 21 - 04 - 2011

Tous les jours des lois d'apartheid, dignes du délire hitlérien, sont promues par le gouvernement d'Israël.
A l'heure où la désinformation et tant de diversions battent leur plein, il ne faut pas s'arrêter de rappeler que sans le règlement juste et définitif de la question palestinienne, il n'y aura pas d'avenir entre les rives de la Méditerranée. Depuis 1989, date de la chute du Mur de Berlin, la propagande de «choc des civilisations», d'hégémonie mondiale et de «recolonisation» sous de nouvelles formes, est perceptible. La tragédie palestinienne en est le symbole.
Un nouvel ordre mondial inique cherche à se concrétiser, sous des traits chaotiques, marqués depuis 2003 par la guerre en Irak, le sabotage systématique des négociations pour la création de l'Etat palestinien et la politique du deux poids, deux mesures. La guerre contre les musulmans est une vieille histoire, des croisades au néocolonialisme. La civilisation islamique a rayonné sur le monde durant mille ans. Bien plus, vivace et vivante, la religion musulmane valable en tous temps et tous lieux, est hospitalière et résiste bellement au temps, même si certains de ses adeptes dérivent. Les autres religions, plutôt dépassées, déconnectées et dévitalisées, ont peu de prise sur la réalité. Cette différence dérange.
Le déni de reconnaissance
La fuite en avant, la loi du plus fort, la montée de la haine contre le religieux islamique sont flagrantes. Jamais l'islamophobie et le sionisme extrémiste n'ont atteint un tel degré d'arrogance et de mainmise sur les courroies de désinformation et de décisions dans le monde. Cependant, ces dogmatiques auraient tort de pavoiser, car la course vers l'abîme est suicidaire. L'injustice ne peut durer. Après la guerre de l'hiver 2009 contre Ghaza, la Palestine occupée, symbole de l'injustice, semble oubliée, mais sa juste cause triomphera un jour.
La propagande sioniste extrémiste est au zénith, avec un gouvernement d'extrême droite, de type néonazi, profitant de la faiblesse du Monde rabe et de la crise mondiale, pour faire diversion. L'opinion internationale est soumise au matraquage qui met l'accent sur le «nouvel ennemi»: l'Arabe, le musulman, l'Iranien, le Turc. La notion «d'islamophobie» n'est pas un abus de langage produit par les fondamentalistes, c'est l'expression d'une stratégie antimusulmane ancienne au coeur des visées hégémonistes.
Tout est utilisé pour réduire l'image du musulman, jusqu'à nier l'influence de la culture arabe sur la culture ou s'alarmer de manière hypocrite de pseudo- conséquences migratoires et d'hypothétiques dangers «islamistes» au moindre événement en rive Sud. Des intellectuels révisionnistes, des politiciens immoraux, néoconservateurs et des médias de l'abjection délirent en permanence. L'Occident s'approprie des valeurs et les réfute pour autrui. Il fait croire que les musulmans sont inaptes à, l'universel, à la démocratie et à la rationalité. Cette contre-vérité a fonctionné. Elle ne peut pourtant, faire oublier que la civilisation arabo-musulmane fut lumineuse. L'Islam a libéré les êtres de partout, réalisé de manière incomparable une société du droit à la différence et les savants musulmans ont fécondé les apports des autres cultures et élevèrent la condition humaine par leur génie propre, ouvert aux dialogue des cultures. Cela a permis une civilisation sans pareille et donna de la hauteur aux acquis scientifiques, à commencer par le travail de la mathématique. Le rationnel en Islam ne s'oppose pas au mystère, à l'invisible, ni à l'infini, il s'en inspire et traite de ces dimensions, afin de tenir compte de ce qui est au-delà, ce qui relève des incertitudes et de ce qui n'est pas donné d'avance. La langue arabe, à la richesse incomparable, est celle de l'abstraction et des nuances à l'infini. Avec la révélation coranique elle a atteint sa prodigieuse maturité. Elle a non seulement transmis la pensée grecque, les cultures perse, byzantine, indienne et autres mais elle les a redéployées, développées et fait fructifier. Les progrès obtenus, sur la base de l'impulsion coranique et prophétique, ont permis la civilisation totale et équilibrée, trajectoire qui fut pervertie par la rupture entre raison et foi, les coups de boutoir du dogmatisme d'autres religions, du libéralisme sauvage et de la raison instrumentale.
Sans la civilisation musulmane, la culture européenne n'aurait pas été émancipatrice. Il y a un déni de la réalité: l'Europe n'a pas admis que le fait arabe - au même titre que le fait grec et le fait hébraïque, est constitutif de l'Histoire occidentale et de son héritage. Les penseurs objectifs le reconnaissent: il est impossible de penser l'Histoire occidentale sans le travail d'Ibn Sina, d'Ibn Rochd, Ibn Hatem, Al Khawarizmi, Al Karaji, Omar Khayyam, Ghazali, la logique, l'algèbre, les mathématiques, la cosmologie et la philosophie, avec les implications physiques et technologiques modernes.
Un exemple: l'Europe n'intégra l'usage des chiffres arabes et du zéro, éléments décisifs pour le calcul infinitésimal, que 5 siècles après les mathématiciens arabes. La culture musulmane a produit un saut qualitatif inégalé, affinant le niveau d'abstraction, au-delà des limites anciennes. Les Grecs n'ont pas pensé le «zéro» et étaient impuissants face à ce qui dépasse la raison: l'infini, l'au-delà. Le souffle coranique ouvre ces champs. Contrairement aux affabulations des islamophobes, c'est avec le plus haut niveau d'abstraction, la conceptualisation de l'au-delà de la nature, le calcul avec l'inconnu, que la culture arabe a contribué au progrès de la pensée universelle, par une rationalité qui dépasse la matérialité.
Le monde moderne a besoin d'humilité. Sa rationalité instrumentale, déshumanisante et arrogante, n'est pas la rationalité humaine, humble et sage qui a fait ses preuves durant près de mille ans. La raison universelle musulmane reconnaît la limite, non point comme défaut, mais comme dimension en son sein qui aspire à ce qui la dépasse: le lien à l'invisible, à ce qui est arationnel, le rapport à l'au-delà du monde. La foi en Islam ne se trouve pas en dehors du rationnel, elle est dans sa prime nature, la fitra, sa structure.
L'Islam, non seulement donne une direction de vie, mais répond avec logique aux plus profondes aspirations de l'être humain, d'où les innombrables conversions exponentielles dans le monde entier.
Nous sommes loin des prétentions à limiter l'identité, comme en Europe déspiritualisée, à un seul aspect et à nier la diversité, la transcendance et l'infini. La contribution arabe au monde entier, à la culture humaniste, aux mathématiques et à la pensée fut historique. Elle releva le défi permettant d'articuler les concepts rationnels avec l'inconcevable, c'est-à-dire l'infini. Ce saut sans pareil dans l'histoire du savoir a produit des progrés scientifiques décisifs. Il eut lieu autant dans la célèbre Maison de la Sagesse, Dar el Hikma qui réunissait à Baghdad philosophes, mathématiciens et théologiens, polyglottes, qu'au Maghreb, à Tlemcen, Béjaïa, Kairouan, Fès et en Andalousie. L'Occident, aujourd'hui, a besoin de connaître le vrai Islam.
Les divergences entre le monde marchand, matérialiste, impérial et belliqueux et l'Islam sont profondes, ce n'est pas conjoncturel. Ce sont deux versions de l'humain qui se confrontent, alors que les peuples ont un fonds commun et peuvent coexister. L'Islam ne cherche pas à imposer, mais témoigne d'un sens singulier du rapport entre raison et foi, témoin que l'on veut faire taire. Notre époque a besoin de sages pour rebâtir des ponts et renouer avec le vivre-ensemble. Ce qui se joue en Palestine c'est l'avenir des peuples.
L'Inquisition, les croisades, la colonisation, la falsification de l'Histoire et la propagande du «choc des civilisations» inculquent l'idée que les musulmans sont des adversaires, alors qu'ils se veulent partenaires. L'islamophobie, l'ingérence dans les pays arabes, le soutien au sionisme et la politique des deux poids, deux mesures sont le résultat de la fausse représentation. Tout discours qui exclut et dénie à l'autre la capacité de l'universel est un aveu d'échec et d'impuissance.
La preuve de l'iniquité
Les injustices commises contre les Palestiniens en particulier, les Arabes en général, d'hier à aujourd'hui, le refus du droit à la différence, le malaise occidental et la crise de civilisation tiennent, entre autres, au fait que l'Europe traîne un complexe face à l'Islam et refuse de regarder la réalité. «Ce que l'Occident ne voit pas de l'Occident», écrit Pierre Legendre, cela mène vers le précipice. L'aveuglement et l'ignorance au sujet des musulmans, par-delà leurs propres responsabilités, a des conséquences néfastes sur le plan des relations Nord-Sud.
En termes concrets, le cas de la Palestine est éclatant comme preuve de l'iniquité. Après l'historique Déclaration d'indépendance, à Alger, par le Conseil national palestinien dirigé par Yasser Arafat le 15 novembre 1988, alors qu'une centaine de pays avaient reconnu la Palestine, cet «Etat» n'a atteint d'autre réalité qu'un territoire représentant 8% des terres et d'une autorité sous le contrôle d'Israël. L'Occident est resté sourd. Il n'y a pas d'avenir sans le règlement de la question palestinienne, cela débloquera le rapport Islam-Occident.
La politique impunie de l'apartheid des territoires occupés signifie que le système mondial est otage du sionisme et des séquelles des croisades. Israël et ses alliés imposent un ordre inhumain. Ils bloquent, depuis plus de quarante ans, la solution diplomatique. Ils votent sans cesse contre toute résolution de l'ONU qui condamne les colonies et affirme le droit du peuple palestinien à l'autodétermination. L'argumentation sioniste et occidentale qui prétend que les juifs sont différents de tous les autres peuples, se posant comme nantis d'un droit politico-religieux exclusif, est barbare. Résoudre le problème doit se poser en termes de démocratie, de droit et d'égalité et non en termes mythiques et raciaux.
Il s'agit pour les pays arabes, non pas seulement se reformer intérieurement pour accéder à la bonne gouvernance et consolider ou bâtir l'Etat de droit, mais aussi en finir avec l'oppression mondiale et le néocolonialisme qui tentent de récupérer le souffle de l'Histoire. Ceux parmi les citoyens du monde qui militent pour la justice en Palestine et l'amitié entre les trois rameaux monothéistes constatent que les establishments occidentaux soutiennent l'occupation. La politique sioniste, qui se déchaîne contre le peuple palestinien, n'a pas été contrecarrée par une réaction mondiale. Alors que plus de soixante-dix résolutions onusiennes existent en la matière.
Tous les jours des lois d'apartheid, dignes du délire hitlérien, sont promues par le gouvernement d'Israël. Une loi d'apartheid permet aux colons juifs de construire sur des terres confisquées aux Palestiniens. Une autre loi scélérate, récente, oblige des citoyens palestiniens d'Israël, considérés comme de deuxième classe, de prêter serment de loyauté et ne les autorisant pas à vivre avec leurs conjoints originaires des territoires occupés. Depuis plus de soixante ans des lois d'apartheid institutionnalisent le caractère raciste de l'Etat israélien qui produit le plus grand nombre de lois racistes au monde, et privent les citoyens arabes de leurs droits humains et civiques. Derrida, Chomsky, Morin, Hessel et d'autres grands intellectuels juifs reconnaissent que c'est un Etat voyou.
L'Etat sioniste, soutenu par l'Occident, est devenu le pire des régimes ségrégationnistes au monde. Il contrôle la quasi-totalité de la Palestine, emprisonne et tue sauvagement ses habitants. Israël détient le plus grand nombre de prisonniers politiques, près de dix mille. Comble du cynisme, ses alliés occidentaux promeuvent ce régime au rang de partenaire privilégié.
L'Occident prétend représenter la démocratie et le seul modèle à suivre: c'est tragique. Il est temps pour le monde dominant de prendre conscience qu'il n'y a pas de modèle unique et qu'il n'y aura pas de paix sans justice. Notamment, tant qu'Israël continuera à jouir de l'impunité et tant que le néocolonialisme se répand sous des prétextes fallacieux.
Les peuples musulmans ne peuvent pas compter sur l'Occident actuel pour libérer la Palestine, ni pour retrouver un nouveau projet de société à dimension universelle. Le modèle occidental en crise nie le sacré, l'universel et le droit à la différence. L'Occident, malgré des acquis, semble avoir abandonné et les valeurs grecques de «démocratie» et les valeurs spirituelles «abrahamiques». Par le renouveau, la résistance réfléchie et le dialogue, le monde entier, à commencer par celui de l'Islam, doit ramener l'Occident à respecter le droit des peuples, le pluralisme et rechercher une civilisation commune.
(*) Professeur des Universités


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