En marge du Salon du livre d'Alger (Sila) qui s'ouvre aujourd'hui, nous avons demandé au professeur Mustapha Chérif, président du Colloque international, organisé dans le cadre du Sila, sous le thème «Choc des civilisations et stratégies d'hégémonies», de nous expliciter l'objet de la conférence qui va tourner tant autour du dialogue civilisationnel que du «choc des civilisations» prédit par d'aucuns. Le problème est certes compliqué et seul le dialogue est à même d'éclairer sur un monde devenu difficile et la compréhension les uns des autres ardue. L'Expression: Le Colloque international du Salon du Livre 2008 se tient ce dimanche 2 novembre à 14h à l'hôtel Hilton, pourquoi ce thème: «Choc des civilisations et stratégies d'hégémonies»? Mustapha Cherif: Aujourd'hui, la propagande du choc des civilisations domine, la crise économique mondiale s'aggrave et le monde arabe est confronté à des défis multiples. Les organisateurs du Sila ont bien raison de susciter le débat sur ces thèmes d'actualité. Le monde arabe n'en finit pas de subir les contradictions de la situation internationale, marquée, depuis la chute du mur de Berlin en 1989 et le 11 septembre 2001, par le recul du droit, la politique des deux poids, deux mesures, la volonté d'hégémonie de puissances mondiales et la propagande du «choc des civilisations». La rhétorique sur la notion antagoniste de «l'axe du mal» et la stigmatisation de peuples et cultures ont atteint un seuil préoccupant. Le monde arabe est confronté aussi à ses propres contradictions et le peu de visibilité d'une stratégie alternative face aux incertitudes, menaces et défis de l'heure. Pourtant, il dispose d'un patrimoine civilisationnel, d'atouts humains et de potentialités géo-économiques. La question géopolitique du monde arabe et son devenir historique sont au coeur des enjeux de notre temps. La situation internationale semble bloquer, comment parler de dialogue? En effet, les impasses et les crises sont multiformes. C'est pour cela qu'il faut réfléchir et dialoguer afin de prévenir l'avenir. Les impasses au Proche-Orient, le retour des tensions internationales, la crise économique mondiale, bien plus qu'une simple crise financière, les problèmes complexes du développement, la dépendance à une seule ressource, les hydrocarbures, et l'absence d'une nouvelle civilisation universelle sont des facteurs qui incitent, plus que jamais, à la réflexion, aux échanges et à la vigilance. A l'occasion de ce Sila 2008, est donc organisé un colloque scientifique phare sur le thème «Choc des civilisations et stratégies d'hégémonies», pour dialoguer et débattre, c'est le rôle des élites qui se veulent en phase avec la réalité. Pourquoi le monde musulman est-il au centre des questions? Le monde musulman sous la figure du dissident semble poser problème pour lui-même et pour le monde entier. Le monde occidental, pour des raisons différentes, de même pose problème. Ces deux versions de l'humain constituent la trame du devenir historique de nombreux peuples. Imbriqués, car l'Occident classique a été judéo-islamo-chrétien et gréco-arabe, les orients et les occidents ne dialoguent pourtant pas sur le fond. La propagande du «choc des civilisations» domine, de par des ambitions d'hégémonies, des calculs politiciens et des enjeux économiques. Alors que le monde moderne, sur nombre de plans, semble s'éprouver en impasses, certains, par souci de diversion, déplacent le débat sur le champ de l'invention d'un ennemi et des accusations à l'adresse de l'Islam, ce méconnu, pris comme bouc émissaire. Reste à combler le vide culturel et à se reformer sur le plan interne, pour ne pas apporter de l'eau au moulin des détracteurs. Qui seront les intervenants et quels seront leurs sujets? D'éminentes personnalités intellectuelles, spécialistes des questions de relations internationales et auteurs d'essais sur le sujet: Pascal Boniface, géopolitologue français directeur de l'Iris «Enjeux et perspectives», Georges Corm, ancien ministre libanais des Finances: «Préoccupations au sujet de l'identité nationale arabe», Youssef Courbage, économiste et démographe libanais: «Monde arabe: démographie, conflits ou rendez-vous des civilisations», et Alain Gresh, directeur adjoint du mensuel français Le Monde Diplomatique: «Géopolitique du Proche-Orient et Maghreb sept ans après le 11 Septembre». Le débat sera sans doute riche.