Les forces de sécurité demeuraient en état d'alerte au Nigeria hier, au lendemain d'une nouvelle explosion de bombe artisanale dans le Nord où des violences post-électorales ont, selon une ONG locale, fait près de 250 morts en moins d'une semaine. Les autorités nigérianes ont refusé de fournir un bilan de ces émeutes qui ont suivi l'élection présidentielle du 16 avril, afin de ne pas aggraver les tensions. Mais la menace de flambée de violences demeurait sérieuse à quelques jours de nouveaux scrutins dans ce pays le plus peuplé d'Afrique avec près de 160 millions d'habitants. Des élections de gouverneurs et des assemblées sont prévues mardi dans plusieurs Etats. Elles ont été repoussées de deux jours dans ceux de Kaduna et Bauchi (nord), affectés par les émeutes post-électorales. La désignation des gouverneurs, qui gèrent d'énormes budgets grâce aux revenus pétroliers, représente un enjeu majeur à haut risque. Le Nord, majoritairement musulman, est depuis longtemps économiquement marginalisé par rapport au Sud, riche en pétrole et majoritairement chrétien, ce qui alimente les divisions. Vendredi soir, une bombe artisanale, en train d'être fabriquée, a explosé dans un quartier majoritairement musulman de la ville de Kaduna, capitale de l'Etat éponyme. Bilan: un mort, trois blessés graves, d'après le porte-parole de la police de Kaduna, Aminu Lawal. Selon M.Aminu Lawal, joint depuis Lagos, les victimes fabriquaient l'engin explosif dans une maison. Sur place, «nous avons récupéré trois bombes non explosées et les forces de sécurité ratissent la zone à la recherche d'autres dispositifs», a-t-il précisé. Des attentats à la bombe, dont certains meurtriers, avaient secoué le nord du Nigeria (Maiduguri, Kano) avant la présidentielle. Cette élection a été remportée par le chef de l'Etat sortant Goodluck Jonathan, un Ijaw et chrétien du Sud, qui était en lice parmi 20 candidats dont l'ex-chef de junte militaire, Muhammadu Buhari, un Fulani et musulman originaire du Nord. L'annonce de la victoire de M.Jonathan a été suivie de violences intercommunautaires qui ont affecté 14 des 36 Etats du pays, notamment Kano, Kaduna, Sokoto et Bauchi. Le calme est revenu après le déploiement de l'armée et l'instauration de couvre-feux. Selon l'organisation de défense des droits de l'Homme Civil Rights Congress, près de 250 personnes ont été tuées dans ces violences. Les émeutes ont aussi poussé quelque 74.000 personnes à quitter leurs maisons dans la moitié nord du pays, d'après la Croix-Rouge nigériane. A Kano, des milliers de déplacés se sont réfugiés dans une caserne, dormant à même le sol. Des centaines de personnes soupçonnées d'être impliquées dans les violences ont par ailleurs été arrêtées, d'après diverses sources, sans qu'on puisse en connaître samedi le nombre exact. Quelque 600 suspects ont ainsi été incarcérés à Yola, capitale de l'Etat de l'Adamawa (nord), dans une prison déjà surpeuplée, ce qui a provoqué vendredi une mutinerie des détenus. Goodluck Jonathan, qui doit prêter serment en mai, a annoncé qu'une commission d'enquête judiciaire sur les violences allait être créée.