Washington veut «récupérer» les épouses d'Oussama Ben Laden, mais Islamabad a indiqué hier n'avoir pas reçu de requête en ce sens. La tension était vive hier entre Pakistan et Etats-Unis, les dernières escarmouches portant sur l'audition des épouses de Ben Laden, après la polémique sur d'éventuelles complicités pakistanaises du chef d'Al Qaîda et l'action «unilatérale» américaine en territoire pakistanais. En signe de bonne volonté, la Maison Blanche avait demandé dimanche que les Américains puissent interroger trois des femmes d'Oussama Ben Laden, aux mains des Pakistanais depuis le raid des forces spéciales américaines au cours duquel a été tué le chef d'Al Qaîda à Abbottabad, la ville de garnison où il se cachait, non loin de la capitale pakistanaise. Lundi soir, un responsable américain indiquait sous couvert d'anonymat que les Etats-Unis «s'attendent à être bientôt autorisés à avoir accès» aux trois femmes, dont l'une a été blessée lors du raid, afin de les interroger. Mais hier, le ministère pakistanais des Affaires étrangères assurait «ne pas avoir reçu de requête formelle des Etats-Unis» dans ce sens. «Pour l'instant, aucune décision n'a été prise» d'autoriser ou non l'accès aux épouses de Ben Laden pour les enquêteurs américains, a indiqué un haut responsable militaire pakistanais, sous couvert de l'anonymat. «La famille est soignée. Ils sont en détention provisoire», a-t-il ajouté. Les trois femmes sont accompagnées de 13 enfants et petits-enfants du chef d'Al Qaîda. Un nouveau contentieux semblait donc se dessiner alors que s'enveniment les relations entre les deux pays, alliés officiels dans la lutte antiterroriste depuis les attentats du 11 septembre 2001. Dimanche, Barack Obama avait demandé à Islamabad de diligenter une enquête sur les «soutiens» dont aurait bénéficié le chef d'Al Qaîda au Pakistan. Selon le New York Times hier, le président américain avait même ordonné que le commando chargé de l'opération contre Ben Laden soit assez important pour pouvoir affronter militairement les forces pakistanaises, en cas de riposte de leur part. «En raison de nos difficultés actuelles avec le Pakistan, le président ne voulait prendre aucun risque», a déclaré un haut responsable gouvernemental cité par le journal. Selon Washington, le Pakistan n'avait pas été prévenu de l'opération de crainte de fuites. Lundi, le Premier ministre pakistanais Yousuf Raza Gilani avait qualifié «d'absurdes» les spéculations sur d'éventuelles complicités officielles, mais il avait aussi annoncé une enquête pour savoir «comment, quand et pourquoi Oussama Ben Laden était présent à Abbottabad», la ville de garnison à deux heures de route de la capitale où l'homme le plus recherché de la planète a apparemment vécu plusieurs années. Il a souligné que le Pakistan est la cible depuis 2007 d'une campagne d'attentats qui a fait près de 4300 morts, menée par «Al Qaîda et ses alliés» pour le punir de son engagement antiterroriste aux côtés de Washington. D'autre part, la campagne de frappes de drones est très impopulaire au Pakistan et les autorités d'Islamabad, accusées de laisser faire, protestent à intervalle régulier contre de telles actions «unilatérales». Un adjectif que M.Gilani a également utilisé pour critiquer le raid contre Ben Laden. Le porte-parole de la Maison Blanche avait répliqué: «nous ne nous excusons pas pour les mesures que le président (Obama) a prises», qualifiant la relation avec le Pakistan de «compliquée» mais «importante». Autre signe de la dégradation des relations, le nom d'un homme présenté comme le chef de la CIA au Pakistan a été révélé par plusieurs médias pakistanais ces derniers jours. Mais l'agence américaine, qui a dirigé l'opération contre Ben Laden, ne prévoyait pas d'exfiltrer son chef de station dans le pays. L'identité des agents de la CIA étant confidentielle, les soupçons sur l'origine de la fuite se portent sur l'ISI.