Les deux pays pionniers du «printemps arabe» se tournent vers le G8 afin d'obtenir une aide susceptible de consolider la transition vers la démocratie. L'Egypte et la Tunisie, invitées au G8 de Deauville (France), attendent des grandes puissances une aide financière cruciale pour éviter à leurs fragiles transitions politiques de sombrer dans les difficultés économiques et sociales. Un effondrement de ces deux pionniers du printemps arabe pourrait signifier le glas des espoirs de démocratie de la région, conforter les régimes répressifs et constituer une aubaine pour les mouvements extrémistes, estiment responsables politiques et spécialistes. «Nous souhaitons que la communauté internationale comprenne que le risque d'un échec de la révolution tunisienne est dangereux non seulement pour la région arabe mais aussi pour la paix dans le monde», affirme l'économiste tunisien Mohamed Ben Romdhane. Plus de quatre mois après avoir chassé le président Zine El Abidine Ben Ali, la Tunisie, toujours à la recherche de sa stabilité politique, «a un besoin impérieux d'un soutien économique et financier mondial», ajoute-t-il. «L'économie égyptienne est dans une impasse sérieuse en raison de l'absence des forces de sécurité, des dissensions confessionnelles et de l'augmentation des mouvements sociaux», souligne de son côté Ibrahim Issaoui, économiste au ministère égyptien du Pétrole. Le soutien des grandes puissances du G8 à Tunis et au Caire est aussi censé envoyer un message aux pays où, comme en Syrie ou en Libye, les revendications populaires se heurtent à une répression à outrance. «Il est important que nous nous engagions à fond pour que les idées de démocratie et de liberté triomphent en Tunisie, en Egypte et fassent contagion à travers le monde arabe, y compris en Syrie», a déclaré le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé. Le président américain Barack Obama a, quant à lui, sans attendre le sommet de jeudi et vendredi, annoncé un plan de plusieurs milliards de dollars pour aider cette partie du monde à se démocratiser. Face à un tourisme en berne, une croissance au ralenti, une inflation et un chômage en hausse, l'heure est à l'inquiétude sur le front économique après l'euphorie du renversement des régimes autoritaires des présidents Ben Ali et Moubarak. Le Caire estime entre 10 et 12 milliards de dollars ses besoins de financements internationaux pour tenir le coup jusqu'à la mi-2012. Des négociations sont en cours avec le Fonds monétaire international (FMI) pour 3 à 4 milliards et la Banque Mondiale pour 2,2 milliards. M.Obama a déjà annoncé l'effacement de 1 milliard de dollars de dette de l'Egypte, assorti d'un nouveau crédit de 1 milliard. La plupart des indicateurs de l'économie égyptienne, considérée comme en plein essor jusqu'en décembre, ont viré au rouge. Le tourisme enregistre déjà un manque à gagner de 2,2 milliards de dollars depuis janvier et les conflits sociaux ont coûté plus de 1 milliard de dollars au Trésor public, selon les chiffres gouvernementaux. La croissance égyptienne, pays le plus peuplé du monde arabe avec environ 84 millions d'habitants, pourrait se situer entre 1 et 2% cette année, contre 6% espérés. La situation n'est pas meilleure en Tunisie, où la croissance économique pourrait se situer entre 0 et 1% à peine, en raison notamment de la crise du secteur du tourisme. Le gouvernement redoute que le chômage, autour de 13% de la population active en 2010, monte aux alentours de 20%. Mais pour certains économistes, la générosité internationale pourrait ne pas suffire pour sortir durablement du marasme. «L'Egypte ne peut demander à aucun Etat de l'aider économiquement ou d'injecter davantage d'investissements sans qu'elle ait une vision claire de sa propre situation politique», souligne Gamal Bayyoumi, secrétaire général de l'Union des investisseurs arabes au Caire.