Ce n'est pas un opposant politique qui le dit pour solder ses comptes avec le pouvoir. C'est le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (Cncppdh), Me Farouk Ksentini, qui le décrète. «La réforme de la justice a échoué», a estimé, Me Ksentini jeudi dernier lors de son passage à la Chaîne III de la Radio nationale. Cette déclaration ne sera certainement pas du goût de l'actuel ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, qui rappelle à chacune de ses sorties médiatiques que la réforme de la justice est une réussite. Cela d'une part, de l'autre, ces déclaration venant du premier responsable d'une organisation dépendant directement de la Présidence de la République, ne rassurera pas également M.Belaïz. Aggravant son constat, Ksentini a considéré que la justice a régressé au lieu de progresser. «Je le dis comme je le pense, et comme le pensent le public en général et mes confrères, dont le nombre est considérable. La Justice a besoin d'être revue et corrigée», a ajouté l'invité de la radio. Pourtant, les propositions ne manquent pas. Pour s'en convaincre, il suffit de consulter le rapport de la Commission Issad installée justement pour réformer la justice. «La Commission Issad, qui avait effectué au bout de six mois un travail intensif et de qualité, avait pourtant proposé un rapport comprenant des suggestions extrêmement importantes. Mais, malheureusement, rien n'en a été retenu», a déploré l'invité de la radio, qui était lui aussi membre de cette commission. Selon M.Ksentini, la régression doit s'arrêter car, a-t-il expliqué, «il est inconcevable que la justice rendue dans les années soixante soit meilleure que celle qui est rendue actuellement». Autre facteur de la régression: le recours abusif à la détention préventive. «Ce qui est appliqué est contraire à la loi», a-t-il déploré. «La loi dit que la détention doit être une mesure exceptionnelle et la liberté est la règle, mais c'est l'inverse qui est appliqué de la manière la plus systématique», a-t-il affirmé. Le président de la Cncppdh a plaidé pour l'indépendance des magistrats. «Un magistrat écrasé par sa hiérarchie ne peut pas faire un travail correct», a-t-il indiqué, rappelant que cette indépendance constitue une condition essentielle au bon fonctionnement de la justice. Me Ksentini a abordé, en outre, d'autres questions relatives à l'actualité nationale, notamment les consultations politiques en cours que mènent le président du Sénat pour engager la réforme de l'arsenal juridique et constitutionnel algérien. Et c'est là qu'il se montre illogique. Dans ce contexte, l'invité de la radio s'est attaqué aux partis de l'opposition qui refusent de répondre à l'invitation de Bensalah. Il a estimé que ces partis sont antidémocrates car, a-t-il expliqué, «ils doivent encourager le pouvoir dans ses réformes au lieu de le boycotter». Me Ksentini ne dit, toutefois, pas quelle est cette démocratie qui oblige les partis politiques à soutenir les démarches du pouvoir. Cela étant dit, le président de la Cncppdh a proposé de déclarer l'Armée nationale populaire (ANP) gardienne de la Constitution, dont le garant restera toujours le président de la République. Me Ksentini s'est prononcé en faveur d'une amélioration de l'article 70 de la Constitution qui énonce que le président de la République est le garant de la Constitution. «Je voudrais ajouter à ce texte (article 70) que l'Armée nationale populaire soit déclarée la gardienne de la Constitution», a-t-il suggéré, évoquant, à cet égard, le modèle turc où l'armée a joué un rôle prépondérant dans la démocratisation de ce pays. Concernant les personnes déportées dans des camps du Sud au début des années 1990, il considère que ces personnes avaient subi des préjudices et qu'elles doivent être indemnisées.