Le chanteur Si Lakehal est le premier à avoir osé interpréter une chanson de Matoub Lounès sur la chaîne TV de l'Entv et ce, dans le cadre de l'émission «Tara ma tara». Sa prestation a beaucoup surpris les téléspectateurs lesquels, en plus d'avoir apprécié ce geste, ont été surpris par cette ouverture médiatique que vient de signer l'Entv, d'habitude très fermée à tous ceux qui ne rentrent pas dans les rangs. Dans cet entretien, Si Lakehal se livre à nos lecteurs à coeur ouvert. L'Expression: La sortie de votre premier album remonte à 2001 alors que ce n'était pas une période tout indiquée pour se produire compte tenu des événements qu'a vécus la région de Kabylie. Pourtant, votre première cassette a enregistré un grand succès. Comment l'expliquez-vous? Si Lakehal: Effectivement, la sortie de ma première cassette avait coïncidé avec les événements du Printemps noir. Paradoxalement, elle a eu un grand succès. A l'époque, j'avais 30 ans. Avant cela, je chantais uniquement pour moi et dans les fêtes mais l'idée de me lancer dans une carrière de chanteur n'a jamais effleuré mon esprit. Puis petit à petit, beaucoup de choses ont changé, aussi bien en Kabylie que dans le domaine de la chanson kabyle. Matoub a été assassiné et il a laissé un grand vide. Ce qui a conduit à l'intrusion en force de la chanson raï y compris dans les villages les plus reculés de la région. Après la mort de Matoub, une crise sans précédent a secoué la chanson kabyle. Dans un tel contexte, il était extrêmement difficile de produire une cassette en espérant être écouté. La chanson kabyle était carrément à l'arrêt. Vous avez décidé d'entamer votre carrière d'une manière originale. Vous avez interprété des chansons des piliers de la chanson kabyle et vous n'avez inclu dans ce premier album qu'une seule chanson de votre propre composition. pourquoi ce choix? Oui, dans cet album, j'ai interprété des chansons de sept artistes à savoir, Matoub Lounès, Sid Messaoudi, Athmani, Lounès Kheloui, Youcef Abdjaoui, Arezki Oultache et Moh Saïd Fahem. La 8e chanson intitulée Ur kem tetsugh est mon oeuvre. A l'époque, j'avais composé plusieurs chansons, mais j'ai eu cette idée de commencer ma carrière avec des titres des artistes qui m'ont bercé. Pourquoi avoir attendu jusqu'à l'âge de 30 ans pour produire votre premier album? Comme je l'ai déjà souligné, l'idée de faire carrière ne m'était jamais venue auparavant. Le premier à m'avoir mis la puce à l'oreille, c'était Saïd Bouchafa, responsable des éditions Igawawen. Il m'a souvent vu me produire dans les fêtes de mariage. Il m'a alors proposé de produire un album. Un autre ami, Kamel Aït Challal, m'a aussi suggéré d'éditer une cassette. suite à ça j'ai décidé de passer à l'action. j'ai enregistré mon premier produit aux éditions Igawawen puis j'ai travaillé avec plusieurs autres éditeurs comme Gouraya, Star Plus et les éditions amazighes. Toutes les chansons qui ont figuré par la suite dans vos albums sont vos propres compositions? Oui, sauf le texte des trois chansons. Elles ont été écrites par Mouloud Aït Amar. J'ai aussi chanté une musique de Mokrane Si Gacemi qui fait de belles compositions. Ce dernier est aussi un artiste qui n'a jamais produit d'albums. Ailleurs, les chanteurs travaillent avec des paroliers et des musiciens. J'espère que nous aussi nous atteindrons un jour ce niveau. Votre premier passage à l'Entv, il y a dix jours, n'est pas passé inaperçu. Vous avez interprété une partie d'une chanson de Matoub Lounès qui, comme tout le monde le sait, est censurée par cette chaîne qui ne l'a jamais programmée. pourquoi ce choix et n'avez-vous pas eu des problèmes avec les animateurs de cette émission? Matoub Lounès avait une tout autre dimension. C'est la raison pour laquelle il est tout le temps censuré. Mais, même si lui a été assassiné, nous sommes là pour perpétuer son message. Beaucoup ont tendance à oublier que Matoub Lounès est un chanteur algérien. Il est aussi très estimé par les arabophones des autres régions d'Algérie. Matoub ne détestait pas les Arabes. Il se battait pour tamazight et il ne haïssait personne. Vous n'avez donc eu aucun problème en chantant Matoub? Au contraire, toute l'équipe de l'émission «Tara ma tara» a été très contente et enchantée de ma participation. D'ailleurs, je tiens à les remercier du fond du coeur. Car j'ai été très bien accueilli. Ils m'ont vraiment mis à l'aise Pourquoi Matoub Lounès? Parce que je préfère Matoub lounès. D'abord, j'aime beaucoup le chaâbi et j'aime Matoub depuis mon enfance. Cela dit, je ne rêve pas de chanter comme lui, J'aime juste chanter ses chansons. Un petit bilan de votre carrière de 2001 à aujourd'hui. J'ai produit sept albums et j'ai écrit et composé une cinquantaine de chansons. Et votre 8e prochain album? Les chansons, qui composeront cet album, sont fin prêtes et je rentrerai bientôt au studio. Je chante sur l'amour et le social. Chez nous, on chante beaucoup sur l'amour, mais dans la réalité, ce sentiment manque. L'amour, il faut le vivre. Il ne suffit pas de le chanter. Et quand je dis amour, je veux parler de l'amour au sens large. Une dernière question d'ordre personnel si vous permettez. Certains disent que vous êtes de Maâtkas, d'autres que vous êtes de la région de Aïn El Hammam. Qu'en est-il au juste? J'ai vécu au village Tajdiwt jusqu'à l'âge de 16 ans puis je suis parti avec ma famille nous installer à Aïn El Hammam. Mais je considère que mon village à moi, c'est toute l'Algérie.