Le Suisse est resté stoïque face à la presse, se posant en candidat du changement, alors qu'il est président depuis 1998. Joseph Blatter, 75 ans, inébranlable, se dirige vers un quatrième et dernier mandat à la présidence de la Fifa, seul candidat aujourd'hui à sa succession, alors que l'instance du football mondial est cernée par les accusations de corruption et minée par des enquêtes internes. Blatter, en habile politique, a vu comment il pouvait tirer partie d'une Fifa actuellement souillée par les affaires en présentant à chaque fois qu'il passe devant les journalistes les grandes lignes de son programme «tolérance zéro» contre la corruption. Lundi soir, dans l'auditorium de la Fifa bourré à craquer, le Suisse est resté stoïque face à la presse, se posant en candidat du changement, alors qu'il est président depuis 1998: «Il faut combattre les démons, il y a une mauvaise situation, mais il y aura un congrès électif mercredi et la famille du foot, si elle veut restaurer la crédibilité de la Fifa, pourra le faire avec moi.» Tout juste, Blatter s'est-il agacé du ton d'un journaliste allemand en fin de conférence. Le président est donc encore une fois passé entre les gouttes. Son seul adversaire est hors course. Mohammed Bin Hammam, homme d'affaires du Qatar, 62 ans, président de la Confédération asiatique, a retiré sa candidature dans la nuit de samedi à dimanche, avant d'être suspendu le temps d'une enquête interne de la Fifa sur une fraude présumée liée au scrutin. Un autre membre éminent du comité exécutif de la Fifa, sorte de gouvernement du football mondial, Jack Warner, originaire de Trinidad et Tobago, président de la Concacaf, purge également une suspension similaire dans la même affaire depuis dimanche. Le comité d'éthique de la Fifa cherche à savoir si Bin Hammam et Warner auraient bien offert pour 40.000 dollars (36.000 euros) de cadeaux à des Fédérations nationales en échange de leurs votes. Présents à Zurich, Bin Hammam et Warner, qui ne peuvent donc plus accéder aux réunions de la Fifa qui se tiennent depuis lundi, organisent leur contre-attaque depuis les luxueux hôtels zurichois où ils résident. Bin Hammmam demande les motivations de sa suspension, afin de formuler son appel à temps pour révoquer sa suspension provisoire avant que ne commence le congrès (électif) du mercredi 1er juin à Zurich. Mais le temps presse et l'appel ne sera pas suspensif, a précisé une source proche du dossier. Le président de la Confédération asiatique accuse aussi le secrétaire général de la Fifa, le Français Jérôme Valcke, qui s'est dit «pro-Blatter» devant la presse dimanche, d'avoir influencé le comité d'éthique. Mais les attaques les plus virulentes viennent de Warner, qui avait prédit «un tsunami» s'il était mis en cause, et a lâché deux bombes. La première, Blatter aurait fait un «don» de un million de dollars à la Concacaf le 3 mai, a fait grand bruit mais a été désamorcée par le président de la Fifa. Ce dernier a glissé devant la presse, lundi, qu'il avait offert deux programmes «goal» (développement d'infrastructures liées au football), programmes d'aides prévus par la Fifa, laissant entendre que chacun de ces programmes était donc d'une hauteur de 500.000 dollars. Cette révélation n'a pas eu l'onde de choc souhaitée par Warner car cette offre s'était faite publiquement lors d'une réunion Fifa à Miami le 3 mai. En revanche, Warner a eu plus de résonance en révélant un email privé échangé avec Valcke où ce dernier lançait à propos de Bin Hammam: «Peut-être qu'il pensait qu'il pouvait acheter la Fifa comme ils (les Qataris) ont acheté le Mondial (2022).» Valcke a reconnu lundi l'email en question mais a avancé qu'il avait utilisé un «ton plus léger», «moins formel», parlant de la «puissance financière» du Qatar, «pas d'achat de voix». Le congrès suit donc son cours prévu: ouverture mardi soir avec les habituels cérémonie et banquet puis élection proprement dite mercredi.