Ce qu´il y a de remarquable dans la démarche du gouvernement face à la détérioration du pouvoir d´achat des populations, la détresse des jeunes, c´est son conformisme face à la régression sociale continue d´une grande partie de la population. Celle-ci s´est, de fait, encore aggravée ces derniers mois par l´apparition du phénomène «harraga» qui met en porte-à-faux des milliers de jeunes arrivés au portes du travail mais trouvent continûment celles-ci fermées devant eux. Or, le gouvernement semble apathique devant cette donnée de la réalité sociale du pays et semble ne rien faire pour lui trouver une parade. Se cantonnant dans un «classicisme» inopérant dans l´absolu, le gouvernement ignore les véritables préoccupations de cette population en butte aux problèmes de la mal-vie, qui se résument dans la difficulté à travailler, à se loger, à fonder un foyer pour une majorité d´Algériens bloqués dans leurs aspirations à se réaliser. Cette donne, qui ne semble pas être prise en compte, aurait dû inciter l´Exécutif à recentrer sa politique sur les régions rurales, par la construction de logements et la création d´emplois - aptes à retenir sur place les candidats à l´exil «intérieur» ou celui plus contraignant à l´étranger, si évidemment, ils parviennent à franchir les obstacles de la «harga» et résorber enfin les manques de toute nature, qui maintiennent ce qu´on appelle l´Algérie profonde dans un sous-développement endémique. Des centaines de villages et hameaux du pays ont été désertés par leurs habitants justement par le fait qu´ils n´offrent plus les conditions de vie minimum. Ce désintérêt délibéré des autorités, singulièrement, locales, induit l´échec, voire l´incapacité définitive des responsables à être à la hauteur de leur mission. La mal-vie qui étouffe villes et villages a eu pour retombée première cette vague de fuite vers l´étranger que l´on appelle «harga», signe patent que quelque chose ne fonctionne plus dans la République d´Algérie. A-t-on pour autant tenté de comprendre ce phénomène ou de l´analyser pour lui apporter des remèdes? Il semble bien que non puisque la seule parade, jusque-là mise en oeuvre, est celle de recueillir les «harragas» en perdition en mer. Ce qui est loin d´être une politique répondant aux besoins pressants de cette catégorie de citoyens: la jeunesse algérienne déboutée de ses repères identitaires et sociétaux. Le phénomène «harraga», qui singularise aujourd´hui l´Algérie, à l´instar de ce qu´ont été dans les années 60 et 70 les boat people asiatiques, mérite à l´évidence une attention à la hauteur des cris de détresse de notre jeunesse. Le drame pour cette jeunesse est que l´écoute des gouvernants reste approximative et que l´Etat ne semble pas avoir saisi le fait que cette jeunesse est proche de rompre ses attaches avec le pays si elle ne l´a déjà fait.