Il fut l'un des rares dépositaires de l'esprit de la musique traditionnelle. L'hommage que lui ont rendu Mme Khalida Toumi, par sa présence, et l'Etablissement Arts et Culture, par l'organisation d'une merveilleuse manifestation à la salle Ibn Khaldoun, a été des plus émouvants. Il ne pouvait en être autrement, surtout avec l'éclatante participation de ses anciens élèves, à l'image de El-Hadi El-Anka, son fils, Abdelkader Chercham, Mehdi Tamache, Kamel Ferdjallah, et Omar Boudjemia . Le ramier qu'il a élevé et s'en est allé, était de retour à la salle Ibn Khaldoun où ses roucoulements avaient fait le bonheur de nombreux inconditionnels. L'esprit d'El-Anka, comme l'a souligné si bien Brahim Noual de l'Etablissement Arts et Culture, était bien en cette demeure artistique, tranchant admirablement avec cet extrait d'El Meknassia que les puristes doivent à Sidi Kaddour El-Alami: Me voilà déçu par mes amis Qui étaient jadis et ma fierté et mon orgueil, Leurs ongles et leurs dents m'ont marqué De leur venin. Quelque peu rejeté, arrogant qu'il était, par certains musiciens issus des vieilles familles d'Alger, il était l'un de ceux qui avaient su arracher au brouillard du temps infini, un des plus beaux fleurons de notre culture. Loin de le desservir, son insupportable obstination révélait très tôt chez lui un constant souci d'ouverture, une érudition guidée par une quête, sans précipitation, du sens profond de l'authenticité. De 1925, date à laquelle il avait commencé à faire ses premiers pas dans le monde musical sous la direction de Cheikh Nador, au dernier concert dont il gratifia avec maestria ses nombreux fans, en 1976 à la salle Atlas, le grand maître avait toujours su continuer et hisser le chaâbi vers les sommets les plus hauts. Né le 20 mars 1907 à la Casbah d'Alger, Cheikh Hadj M'hamed El-Anka fut, de l'avis même du musicologue Bachir Hadj Ali, à l'origine de la vivification de la musique populaire, appelée plus communément chaâbi. Chanteur, instrumentiste et créateur, nourri du suc de la musique populaire maghrébine, artiste émérite, il avait d'instinct et par métier, soulignait Bachir Hadj Ali, intégré dans le tissu mélodique des qaçaïd, des thèmes parfois étrangers et, dans le rythme, des figures nouvelles, sans que l'allure algérienne, ou plutôt maghrébine, en soit fondamentalement affectée. Il avait introduit surtout des audaces dans l'interprétation à travers l'emploi de khanat, une sorte d'ornementation et une pointe d'harmonisation tout juste ce qu'il faut pour que cela n'ôte pas son sel à la mélodie.