Aujourd'hui, Alger fait pitié. C'est un véritable couvre-feu culturel qui s'abat sur la cité. Selon les analystes des marchés arabes, l'Algérie est le pays où le prix des fruits et des légumes et des viandes connait une flambée particulière à l'approche du ramadan.Cette année ne déroge pas à la règle. Paradoxalement, autant le prix des produits de première nécessité augmente durant le mois sacré, autant la saveur séculaire de ramadan se perd. Dans les marchés quotidiens de légumes et fruits, il est loisible de constater une certaine retenue dans les dépenses des ménages après les dix premiers jours du mois passés à dépenser sans compter. La frénésie et la fièvre acheteuse des jeûneurs cèdent allègrement le pas à une autre source de tracas pour les ménages, celui des achats des habits de l'Aïd. Aussi, si l'augmentation du prix des produits de large consommation a bel et bien eu lieu au début de ramadan, force est de constater que la tension qu'ont connue certains légumes, telle la courgette a baissé. L'autre phénomène dangereux qui prend de l'ampleur est celui de la prolifération des fabricants de zlabias et kalb elouz de fortune, qui occupent des locaux désaffectés ou inappropriés, à l'instar de ce mécanicien qui loue son garage à des personnes sans foi ni loi dont le seul objectif est de se faire de l'argent sur le dos des citoyens. Le transport des voyageurs n'est pas en reste. Le comportement de certains membres de cette corporation relève, en effet, de la psychiatrie. Un début de service tardif, un comportement antiprofessionnel sur les axes routiers mettant en danger les usagers et une désertion des stations de transport des voyageurs les dernières minutes avant le jeûne prétextant des embouteillages. Ainsi, le mois de ramadan qui entame sa dernière ligne droite aura été morne et insipide. L'animation culturelle et artistique, après les taraouih, est le moment que savourent les jeûneurs. Or, nos villes et campagnes s'apparentent à des no man's land en ce mois sacré n'était l'opération de meïdet el hilal qui permet de mettre du baume au coeur des musulmans. il y a quatre années, les pouvoirs publics avaient réussi le pari fou d'organiser des veillées ramadanesques, y compris dans les quartiers réputés chauds durant les années noires du terrorisme. Les choix politiques de l'époque ont fait que l'animation culturelle et artistique était considérée comme un moyen de lutte contre les affres du terrorisme. Grâce aux galas organisés, les habitants des quartiers sensibles ont pu braver la peur et vaincre le climat de terreur que les criminels ont réussi à instaurer des années durant. La spirale infernale a été cassée et les différents quartiers d'Alger ont pu savourer et danser aux rythmes des concerts de chaâbi, d'andalou et de variétés des différentes régions du pays. C'était à l'époque où la capitale était un gouvernorat et que le Comité des fêtes de la ville d'Alger était chargé de l'animation culturelle de la capitale. Aujourd'hui, Alger fait pitié. Les quelques habitants qui se hasardent à faire un tour en ville après le f'tour restent sur leur faim devant le désert culturel imposé à la ville. C'est un véritable couvre-feu culturel qui s'abat sur la cité. L'établissement Arts et Culture créé en toute hâte pour supplanter le Comité des fêtes dans l'organisation des activités culturelles souffre du manque d'expérience en terme de rapports avec les artistes et la chose culturelle. La première conséquence de cette régression est le retour des vieux réflexes d'enfermement sur soi que l'on croyait pourtant révolus. Car, hormis les placettes des chef-lieux de communes qui connaissent un semblant d'animation avec des parties de dominos et de cartes et des discussions sur la menace terroriste qui plane sur les villes après une accalmie au début du ramadan. Enfin, il y a tout de même lieu de relever l'extravagance qui caractérise les Algériens durant le mois sacré du ramadan. En effet, après des semaines passées à préparer l'événement, et des premiers jours à céder aux désirs les plus saugrenus, nos concitoyens se mettent ensuite à rationaliser les dépenses et, du coup, regretter que le mois de ramadan tire à sa fin, au moment où on commence à y prendre goût.