Sa Majesté le roi parle d´or! En effet, dans un message au Sommet arabe de Koweït-City, le monarque chérifien énonce des faits qui auraient pu être pertinents s´ils ne péchaient par omission et travestissement de la vérité. Il est évident que l´UMA (Union du Maghreb arabe) n´est pas, n´a pu être, ce lieu de rassemblement et de développement dont rêvaient les peuples du Maghreb. Si l´UMA est aujourd´hui une coquille vide sans perspective, à quoi, à qui cela est dû? Sans ambages et sans autre précaution, le monarque chérifien pointe un doigt accusateur sur le voisin de l´Est, responsable, selon lui, «du fait d´entraves artificielles, y compris la persistance de la fermeture absurde, par une seule partie, des frontières entre deux pays voisins». Absurde? Voilà donc un acte de souveraineté, la question des frontières, devenu par un tour de passe-passe un acte «aberrant» pour nos frères marocains. Outre que cette question n´avait pas sa place dans un sommet tel que celui de Koweït-City et détonnait parmi les thèmes retenus, sa présentation par le monarque alaouite est à tout le moins biaisée, d´autant plus que le roi du Maroc travestit quelque peu les faits lorsqu´il dit réitérer «(...) son attachement à l´ouverture des frontières entre deux peuples frères, le Maroc est loin d´en banaliser l´objectif et de le réduire à quelque avantage étriqué ou à un intérêt exclusif.» Ben, voyons! Nos frères marocains obnubilés par les frontières, focalisent leur ressentiment sur l´Algérie accusée de tous les maux dont souffre le Maroc. La fermeture des frontières en août 1994 n´a rien d´artificiel et est la résultante des actions irréfléchies marocaines envers les Algériens et l´Algérie, accusée ni plus ni moins d´avoir fomenté l´attentat terroriste contre l´hôtel Asni à Marrakech qui a coûté la vie à deux touristes espagnols. Suite à quoi, la police marocaine a alors organisé une chasse aux Algériens résidant dans le royaume, les expulsant du Maroc et leur imposant le visa, y compris aux étrangers d´origine algérienne. Cela équivalait en fait à une fermeture, par Rabat, de sa frontière Est. Donc, le bouclage de la frontière avec le Maroc n´a pas été décidé sans raison et, aujourd´hui encore, les conditions ne sont tout simplement pas réunies pour sa réouverture. Contrairement à ce que dit le message royal marocain, l´échec de l´Union du Maghreb (UMA) n´est nullement dû à ce paramètre frontalier mais bien à d´autres considérations prises en charge par les Nations unies et concernant la question du Sahara occidental. Une question de décolonisation sur laquelle les positions d´Alger et de Rabat diffèrent. C´est parce que le Royaume chérifien a fait le linkage entre le problème sahraoui et l´UMA que celle-ci n´a jamais pu décoller, clouée au sol par le vouloir d´une seule partie, le Maroc. Le roi a quasiment boycotté tous les sommets maghrébins de l´UMA (à Alger, Tunis, Tripoli et Nouakchott) contribuant largement à sa déconnexion des faits politiques et économiques maghrébins. L´UMA a effectivement échoué. C´est le seul point sur lequel nous donnons acte au monarque alaouite. Cet échec de l´organe unitaire maghrébin, très regrettable c´est évident, est toutefois directement lié à la décision de Rabat - rafraîchissons la mémoire à nos frères marocains - qui demandait en novembre 1995 - dans une lettre signée par le Premier ministre marocain, Abdellatif Filali au président en exercice de l´UMA, le président tunisien, Zine El Abidine Ben Ali - le «gel des activités» de l´UMA en réaction au rappel fait par l´Algérie à la commission de décolonisation de l´OUA, qui venait alors de s´autodissoudre, qu´il y avait un territoire africain encore privé de liberté: le Sahara occidental. L´Histoire en témoigne. Aussi, lier l´échec de l´UMA à la question des frontières et en en responsabiliser l´Algérie reste un pis-aller. Mohammed VI s´est gardé de préciser à l´illustre parterre arabe que le royaume était en fait à l´origine de l´échec de l´UMA.