D´une seule voix, ce que l´on appelle la «communauté internationale» a fermement condamné l´essai nucléaire effectué hier par la Corée du Nord. Ce qui est une parfaite hypocrisie lorsque l´on sait que nombre de ceux-là qui ont condamné «l´irresponsabilité» et la «provocation» de Pyongyang, poursuivent eux-mêmes, à divers stades, des recherches poussées dans le domaine du nucléaire civil et militaire. Or, beaucoup de pays, à leur tête les Etats-Unis, «effarouchés» par l´essai nord-coréen, n´ont pas signé ou n´ont pas paraphé le Ctbt (Comprehensive Test Ban Treaty - interdiction totale des essais nucléaires - traité adopté par l´ONU en 1996), se réservant le droit d´améliorer leurs propres capacités de dissuasion nucléaires. Il est évident qu´une prolifération non contrôlée du nucléaire constitue un véritable danger outre pour la paix, aussi et surtout pour la sécurité internationale. Si formellement l´essai nucléaire, auquel la Corée du Nord vient de procéder, est condamnable, il n´en reste pas moins que nombre de pays qui poussent des cris d´orfraie seront bien avisés de balayer d´abord devant leur propre porte. Selon l´agence onusienne de sûreté atomique (Aiea), 44 pays se trouvent au seuil atomique et au moins dix d´entre eux le sont effectivement à titre officiel ou officieux (parmi ces 10, les Etats-Unis, la Russie et la Chine (pays disposant de l´arme atomique) n´ont pas paraphé le Ctbt, le Pakistan, l´Inde, la Corée du Nord et Israël (officieux) n´ont ni signé ni paraphé ce traité, l´Etat hébreu n´ayant même pas signé et paraphé le TNP (Traité de non-prolifération nucléaire de 1968). C´est tout de même curieux de relever qu´Israël ne soit jamais cité parmi les pays en infraction avec les traités onusiens sur le nucléaire lorsque l´accent est lourdement mis sur les transgressions de pays qui déparent du «politiquement-correct», à l´instar de la Corée du Nord et de l´Iran. Cette division du monde entre les «bons» auxquels tout serait permis, et ceux par lesquels le «mal» viendrait ne peut plus fonctionner et son résultat le plus probable c´est encore de voir certains de ces pays mis au ban de la société se lancer dans une course au nucléaire, sans doute pas une priorité économique ou politique, mais qui devient, pour eux, vitale aux plans sécuritaire et stratégique face à l´exclusion dont ils s´estiment victimes. C´est le cas de la Corée du Nord sanctionnée à plusieurs reprises tant par les Nations unies que par les pays les plus avancés dans ce domaine ou qui appartiennent tous à l´Occident ou au monde industrialisé, comme le Japon. Ces derniers semblent ainsi s´arroger le droit de délivrer les bons points atomiques aux uns (cf. l´impossibilité pour l´Aiea de mettre son nez dans le nucléaire israélien, sujet tabou), assigner au banc de l´infamie les mauvais élèves. Cette façon de faire ne peut pas, ne peut plus fonctionner car elle institue délibérément deux collèges dans un secteur aussi stratégique que critique, l´atome, entre ceux qui ont tous les droits, une toute petite minorité, et ceux, l´immense majorité, dont le seul droit est encore et toujours celui de se soumettre aux résolutions et traités souvent inspirés et imposés par ceux-là qui se sont institués gendarme de l´atome, sachant qu´eux-mêmes échappent à un diktat qu´ils veulent être la norme pour tous. Certes, l´essai nucléaire nord-coréen reste inopportun mais s´explique néanmoins par le fait que Pyongyang est mise au pied du mur par ceux-là mêmes qui, outre de ne pas toujours respecter (Israël en particulier) des traités internationaux qui s´imposent à tous, ne se reconnaissent pas de frontières ni de limites à leurs propres recherches dans le domaine de l´atome. Aussi, le danger est encore celui d´acculer ces laissés-pour-compte, représentant la majorité des pays du monde, à recourir à l´arme nucléaire du pauvre. C´est celle-là l´hypocrisie de ceux qui crient «haro sur le nucléaire made in tiers-monde». C.Q.F.D.