C´est du moins l´impression qui prévaut suite au débat ouvert sur l´identité française, voulu par le président Sarkozy. Un débat qui n´en finit pas de déraper et qui est de moins en moins compris en France. A force de tirer sur la corde, il est évident que l´on finisse, non par exorciser les mauvais sentiments - xénophobie, peur de «l´autre» - mais, a contrario, faire ressurgir tout ce qui divise une nation et exacerbe le chauvinisme, voire la ségrégation...Et c´est la route dangereuse que prend un débat hors saison, sinon hors raison sur l´identité, initié par les plus hautes autorités du pays, surtout lorsque l´on arrive à désigner ou à faire désigner un coupable, l´immigré d´une manière générale, le musulman, particulièrement. Cela est inacceptable, notamment après les sorties à tout le moins singulières de ministres français, lesquels, loin de clarifier la donne identitaire française, aggravent en revanche la fracture entre les Français, outre la connotation politicienne, plus que philosophique, qu´a prise ces derniers jours la controverse. Un débat qui excède de plus en plus les Français pour son périlleux virage vers l´apologie du racisme comme s´y est risquée la secrétaire d´Etat française à la Famille, Nadine Morano, qui demande aux jeunes musulmans de «bien parler le français et de ne pas porter la casquette à l´envers», propos mal accueillis et mal compris par les Français, car exprimant une certaine forme de xénophobie de la part d´une femme d´Etat qui aurait dû savoir raison garder. D´autant plus que ces propos viennent quelques semaines après ceux, tout aussi condamnables, tenus par le ministre français de l´Intérieur, Brice Hortefeux. Or, l´identité de la France qui compte, quoi qu´en disent ou en pensent les nostalgiques d´une France pure, est formée par l´apport d´autres nationalités (européennes, maghrébines et africaines) qui ont donné à l´Hexagone son particularisme. De la femme de science d´origine polonaise, Marie Sklodowska (Marie Curie) au président...Sarkozy, d´origine hongroise et son épouse, Carla Bruni, d´origine italienne, à Edith Piaf...d´origine algérienne, en passant par la multitude d´intellectuels, sportifs, artistes (art, cinéma, théâtre, mode) issus d´Europe, du Maghreb et d´Afrique qui font ou ont fait sa gloire, le fait est là, la France est une nation métisse. Durant des décennies, du fait de leur origine, singulièrement de leur religion, des Français de la troisième génération sont disqualifiés, malaimés et marginalisés quand ils ne sont pas humiliés. Or, que les «franchouillards» le veulent ou non, la France est un mélange de races, c´est son caractère, c´est sa vérité que l´extrême droite française tente de nier. Pour des stratégies bassement électoralistes, le débat sur l´identité française est ainsi biaisé, instrumentalisé et utilisé par ceux-là mêmes qui n´ont pas compris que la richesse incomparable de la France réside justement dans cet apport étranger, sans lequel la France n´aurait pas été la France et surtout n´aurait jamais été championne du monde en football. Nombre de Français estiment d´ailleurs que le débat ouvert sur l´identité est devenu un «espace de libération d´une parole raciste» remettant en cause «de façon insidieuse ou explicite, la légitimité de la présence sur le sol national (français) de catégories entières de la population». En fait, beaucoup de Français de bon sens s´interrogent aujourd´hui sur le pourquoi d´un tel débat qui, plutôt que d´éclairer et d´unir, est en train de diviser les Français. Dans un de ses éditoriaux, le quotidien français Le Monde conclut: «Le rôle et la responsabilité du président sont de faire en sorte que la République rassemble les Français plutôt que les dresser les uns contre les autres, intègre au lieu d´exclure, se nourrisse des différences plutôt que les exacerber, réduise les inégalités plutôt que les creuser. Nicolas Sarkozy s´honorerait donc d´admettre son erreur. Et de la corriger.» Sans commentaire!