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8 février 1958 : le raid aérien français de Sakiet Sidi Youssef
Publié dans El Watan le 13 - 02 - 2008

En plus des difficultés de toutes sortes que connaissait la Tunisie depuis son accession à l'indépendance, un autre drame, d'origine française celui-là, s'abattit sur elle ainsi que sur l'ALN et les réfugiés algériens.
II s'agit du raid aérien de l'armée de l'air française, le 8 février 1958 contre le petit village tunisien de Sakiet Sidi Youssef, proche de la frontière. L'ALN savait, depuis un certain temps déjà, que l'état-major français en Algérie envisageait « d'infliger une sévère leçon » à la Tunisie pour complicité avec « les rebelles algériens ». En fait, le but recherché par le commandement français et le gouvernement de Paris n'était pas tellement « de punir la Tunisie » : l'état-major de l'armée française à Alger et le gouvernement français à Paris savaient parfaitement que Bourguiba n'avait pas les moyens de sa politique de sévérité avec les Algériens et qu'il ne pouvait empêcher ces derniers de passer outre les injonctions de la Garde nationale tunisienne, quand ils le voulaient et là où ils le voulaient. En vérité, l'objectif des Français à travers l'exercice du « droit de poursuite » était beaucoup plus ambitieux. Il s'agissait pour eux de saboter l'ALN en Tunisie, de briser littéralement la solidarité et l'entente algéro-tunisienne et de dresser les autorités tunisiennes contre nos djounoud, nos réfugiés et l'organisation civile FLN dans le pays. Au sein de l'état-major de l'ALN au Kef et à Ghardimaou, on était conscient du risque. De toutes les façons, l'ALN était résolue à affronter ce risque plutôt que d'accepter de cesser ses opérations aux frontières. On savait aussi que le commandement français avait donné des instructions à ses généraux du Constantinois pour se tenir prêts à attaquer massivement et « brutalement » la Tunisie.
Une agression délibérée et préparée longtemps à l'avance
Voici, à cet égard, les instructions données par le général Loth au général du commandement de la zone du Nord Constantinois. « Dans l'éventualité d'une attaque générale par l'ensemble des éléments FLN stationnés en Tunisie, notre riposte sur les bases rebelles serait susceptible de provoquer des événements graves en Tunisie et d'exiger notre intervention en vue de rétablir notre contrôle sur une partie du territoire tunisien, notamment la région de Tunis, Bizerte et Sousse. Le 18 septembre 1957, dans une nouvelle version de cette instruction, le général Loth a ajouté un autre paragraphe, spécifiant que toute opération dépassant le classique droit de poursuite et incluant l'emploi de moyens aériens lourds exigerait son autorisation spécifique ». Le 19, ce même général Loth écivait : « Le général Salan vient de me donner carte blanche pour réagir brutalement en Tunisie en cas de nouveaux incidents de frontières (...) bien situés dans le cadre du droit de poursuite... II me précise également que les moyens mis en œuvre devront être calculés de façon à infliger à l'adversaire un indiscutable et sanglant échec ».(1) Le ministre résident Lacoste se fit plus précis encore quelque temps après, au sujet des représailles éventuelles contre la Tunisie. Le 3 février 1958, il observait que « s'il arrivait qu'un avion français soit abattu à partir du territoire tunisien, cela pourrait conduire malheureusement à des conséquences que le Quai d'Orsay serait le premier à déplorer ». Ainsi, toutes les instructions données tant par l'état-major que par le ministre résident au sujet de l'exercice du droit de poursuite montrent clairement que la hiérarchie militaire française envisageait sérieusement d'en user et même d'en abuser. Elle avait même prévu que des moyens aériens lourds pourraient être utilisées (allusion aux B26 américains). Or, ces avions lourds étaient l'objet de restrictions imposées par les Américains. Transgresser ces restrictions, c'était exposer les relations franco-américaines à des difficultés. Pourtant, pour Sakiet Sidi Youssef, l'état major français en Algérie est passé outre. Le Premier ministère Félix Gaillard, son ministre de la Défense Pleven ainsi que le ministre résident à Alger Lacoste étaient donc parfaitement au courant des préparatifs d'une attaque-punition contre la Tunisie. Aucun d'eux n'a tenté de s'y opposer. Aucun d'eux, non plus, n'a osé en assumer la pleine responsabilité une fois commise. Ce qui fait dire à l'auteur des Etats-Unis et la guerre d'Algérie(2) « Ainsi, les bombardements de Sakiet Sidi Youssef (le 8 février 1958), souvent présentés comme l'exemple le plus frappant de la désobéissance de l'armée au pouvoir civil, s'inscrivaient bien dans le cadre d'une action autorisée par le pouvoir : « C'est ce qu'à toujours affirmé le commandant de l'armée de l'air, le général Joahaud (un pied-noir). « ...Que les militaires aient perdu leur sang-froid, en Algérie, ou qu'à Paris des ministres aient agi à titre individuel, sans l'autorisation du président du Conseil du gouvernement , ou que Gaillard ait été au courant dès le début et l'ait nié par la suite, il n'y avait plus personne à Paris avec qui on pût discuter ».
Un marteau pilon pour écraser des paysans un jour de marché
Quoi qu'il en fût, le raid de Sakiet Sidi Youssef avait mobilisé 24 appareils (10 bombardiers B26, 6 chasseurs bombardiers Corsair et 8 chasseurs Mistral). Les dégâts furent considérables parce que c'était un jour de marché hebdomadaire à Sakiet Sidi Youssef : outre 500 à 600 djoundis morts sous les décombres de la mine désaffectée où ils s'étaient mis à l'abri, des dizaines de paysans tunisiens venus des environs pour le marché ont également péri sous les bombes. Le témoignage de plusieurs agents de la Croix-Rouge internationale, présents sur les lieux du drame, le jour- même du raid, dans le cadre de leurs activités en faveur des réfugiés, fut accablant pour l'armée française d'Algérie.
Ferme condamnation internationale
Pour de nombreux gouvernements étrangers, jusque-là indécis sur « la question algérienne », source de tous ces drames, il était clair que le problème algérien avait franchi, à la suite de ce raid, un nouveau pas important dans la voie de l'internationalisation. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne se rangeront aux côtés de Bourguiba et le soutiendront. En dépit des protestations françaises, ils fourniront des armes à la Tunisie ainsi que leur appui diplomatique. Les bons offices américano-britanniques, dirigés par l'ancien consul général des Etats-Unis à Alger, M. Murphy, ont failli conduire les Français à un Dien Bien Phü diplomatique. La rébellion ouverte des généraux français d'Algérie et le retour de De Gaulle au pouvoir à Paris ont évité à la France cette triste extrémité. En ce qui concerne le FLN, Sakiet Sidi Youssef était le signe avant-coureur d'une aggravation de la guerre dans le proche avenir. Quant à l'ALN, elle s'attendait à d'autres péripéties dangereuses de la part de l'armée française d'Algérie. Aussi, les Algériens étaient-ils en faveur d'un resserrement des rangs et d'une coordination plus volontariste et plus engagée entre le Maroc, l'Algérie combattante et la Tunisie.
Nouvelle tension Bourguiba-ALN
Bourguiba, à la surprise des Algériens, prit prétexte de Sakiet Sidi Youssef pour créer de nouvelles difficultés à l'ALN ainsi qu'aux réfugiés algériens aux frontières. A partir de 1959, cette tension est devenue quasiment incontrôlable. A plusieurs reprises, les différends entre responsables algériens et autorités tunisiennes ont failli dégénérer en confrontation armée. Ce fut le cas, par exemple, quand un djoundi algérien fut condamné à mort et exécuté immédiatement pour une agression sexuelle sur une citoyenne tunisienne.
La prudence de Ferhat Abbas
Tout en condamnant fermement ces excès des frères tunisiens, Ferhat Abbas plus prudent et plus diplomate, déclarait devant le CCE (3) : « L'Algérie est un pays nord-africain. C'était vrai hier, c'est vrai aujourd'hui, répliquera-t-il à Ouamrane. Cela sera encore vrai demain. Les trois pays du Maghreb sont tributaires les uns des autres. Leur destin est commun. L'asservissement de l'un provoque l'asservissement des deux autres et, réciproquement, l'indépendance de l'un entraîne inéluctablement l'indépendance des deux autres. C'est là une fatalité de l'histoire qui s'est constamment vérifiée. Elle est commandée par la nature même de leur humanité et par leur géographie. Une Algérie en guerre ne saurait se passer de l'apport de la Tunisie et du Maroc. Sa guerre est également leur guerre. Les deux pays commandent notre victoire ou notre défaite. Chacun de nous doit être parfaitement conscient de cette solidarité. » Pragmatique et lucide, le futur président du GPRA ajoutait : « D'où la nécessité pour le FLN de ne laisser, à aucun prix, ses relations se détériorer avec les gouvernements tunisien et marocain. Patience, habilité, efficacité : tels sont les trois postulats de nos relations avec deux peuples frères. » En fait, cette approche était partagée par tous les membres du CCE, conscients des données stratégiques et politiques de la solidarité de la Tunisie et du Maroc avec l'Algérie combattante. Tous étaient également convaincus qu'il fallait agir avec une circonspection extrême afin de sauvegarder cette fraternité, si tumultueuse et si troublée fût-elle, à ce moment-là. Plus réalistes et plus pragmatiques encore, certains étaient d'avis que cette circonspection devait être privilégiée tant que la ligne de rupture que serait l'immobilisation de l'ALN par les Tunisiens n'était pas atteinte. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, le FLN pourrait s'autoriser, décida le CCE, à prendre d'autres initiatives en vue d'affronter la Tunisie de Bourguiba avec d'autres méthodes. Mais aussi longtemps que les armes continueraient à parvenir aux combattants de l'intérieur, le compromis et l'entente avec les autorités tunisiennes devaient bénéficier d'une priorité absolue.
À la recherche de l'apaisement
Cette prudence et cette volonté d'apaisement du CCE (et du GPRA par la suite) finirent par s'imposer. De toutes les façons, les dirigeants algériens n'avaient pas d'autres choix. Pouvaient-ils se permettre d'ouvrir un second front en Tunisie, fratricide celui-là, alors que le général Challe, avec l'appui sans limites de De Gaulle allait mettre toute l'Algérie à feu et à sang, avec des moyens et des méthodes de destruction massive qui ne laissaient que peu de possibilités à une résistance active de l'ALN ? Les responsables algériens savaient en outre qu'en cas de troubles graves avec la Tunisie, la France volerait aussitôt au secours de Bourguiba, ce qui aurait immanquablement des conséquences catastrophiques et probablement irréparables sur le sort de la guerre de Libération nationale de l'Algérie.
La conférence de Tanger (avril 1958)
Le gouvernement marocain lui aussi redoutait une Sakiet Sidi Youssef contre Figuig, Oujda ou Bouarfa, bases importantes de l'ALN au Maroc oriental. Pour prévenir toute agression éventuelle de l'armée française et par solidarité avec la Tunisie, Allal El Fassi au nom de l'Istiqlal, proposa une conférence tripartite à Tanger, dès avril 1958. Une importante délégation du FLN conduite par Mehri et Ferhat Abbas prit part aux travaux. Ses résultats furent interprétés par les chancelleries et la presse internationale comme un avertissement solennel à la France. Désormais, tout coup porté à l'un verra la réaction ferme et brutale des trois peuples maghrébins.
Notes de renvoi :
1) 1957 1H 2961 - AA Vincennes
2) Samya El Machat, Les Etats-Unis et la guerre d'Algérie, p. 169. op. cit.
3) Rapport du 29 juillet 1958 au CCE.
L'auteur est ancien ambassadeur


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