A la faveur des saisons froides, les GIA sont toujours tentés par l'action dans le tissu urbain. Après les récentes actions plus ou moins spectaculaires perpétrées à Bouira (racket et assassinat), à Ksar El-Boukhari (incursion sanglante dans un café), Laghouat (bombe désactivée, avant-hier, aux abords de la mosquée) et Médéa (deux policiers et deux citoyens assassinés), on serait tenté de croire que le terrorisme urbain essaie de s'incruster à la périphérie des villes et, éventuellement, dans le dense tissu urbain qui les compose. En fait, depuis la neutralisation des groupes armés de la zone algéroise, 16 terroristes menés par Yacine Azzoug pour le GIA et 3 pour le Gspc, l'éclaircie sécuritaire a caractérisé la plupart des villes du centre du pays. Seul le Gspc donnait la pleine mesure de son efficacité criminelle dans les maquis kabyles et de l'Est. Cependant, nous assistons aujourd'hui à un retour vers la guérilla urbaine ou du moins, à des tentatives soutenues de la part des groupes armés pour porter le danger et les tensions dans les villes mêmes. Selon un haut responsable sécuritaire de la wilaya de Boumerdès, «beaucoup de travail reste à accomplir pour neutraliser les cellules urbaines de soutien, mais qui peuvent, à l'occasion, se muer en groupes actifs. Le constat peut être étalé sur toutes les villes limitrophes de Tizi, Legata, les Issers, Dellys, Sahel Bouberak, etc. Pour peu que les conditions soient favorables à l'action armée, il y en a qui n'hésitent pas à tirer sur nos patrouilles et s'évanouir dans le dense tissu des agglomérations urbaines». Pour beaucoup d'observateurs, 70% des actes de violence portés à l'intérieur des villes sont le fait du Gspc ou éventuellement du Gspd du fantomatique Abdelkader Saouane. Le GIA, pour sa part, privilégie l'action contre les populations, impliquant moins de risque et plus de réussite avec, en prime, l'impact psychologique créé par les attaques dans les zones isolées. Les carnages perpétrés à Tiaret, Tissemsilt et Chlef, depuis le début de l'année (près de 260 personnes assassinées dans ces trois wilayas en dix mois) répondent à cette stratégie de la «terreur à moindre coût». Les nouvelles dispositions des GIA - toutes obédiences confondues - butent, cependant, sur l'important et efficace dispositif sécuritaire mis en place par la police et les services de renseignement, principalement dans et autour de la capitale, devenue de fait une citadelle imprenable, bien que les spots publicitaires télévisés, diffusés à des horaires de grand audimat, renseignent sur les appréhensions des autorités de voir resurgir la machine terroriste à Alger même. L'importance des opérations menées en milieu urbain permet aux groupes armés d'atteindre plusieurs objectifs, tout en bénéficiant de l'«effet média». Desserrer l'étau et laisser respirer les fiefs et les maquis, faire diversion pour préparer d'autres actions, porter le danger aux portes des forces de sécurité, sont autant d'objectifs que permet d'atteindre la guérilla urbaine. Les nouveaux visages du terrorisme (tenue de ville où le jean-Reebok a remplacé le kamis; nouvelles recrues non fichées et non connues des RG, etc.) permettent aux nouveaux desperados de transpercer les villes comme du gruyère, de perpétrer des actes de violence avant de se fondre dans la foule. A dix jours de la fin du ramadan, l'on relève le chiffre le moins élevé de victimes depuis le début du terrorisme pour ce mois sacré des musulmans, avec moins de soixante personnes assassinées. Ce qui renseigne, d'un côté, sur l'efficacité des dispositifs sécuritaires mis en place (malgré tous les dysfonctionnements) et, d'un autre côté, sur la désagrégation des structures armées au sein des GIA.