WikiLeaks vient de commettre un nouveau «scoop» en récidivant par la mise à la disposition du public de documents classés secrets sur la guerre en Irak, après ceux diffusés sur l´Afghanistan. Une masse énorme d´informations sur l´Irak est ainsi accessible depuis vendredi soir sur le site Internet de l´organisation. WikiLeaks s´est ainsi donné pour mission de «briser» les secrets entourant, notamment, les expéditions guerrières américaines en Irak et en Afghanistan. Ce qui n´était pas du tout évident d´autant qu´il fallait des circonstances exceptionnelles pour réunir une telle panoplie de documents confidentiels ou classés. Ce que le site WikiLeaks admet, indiquant que c´est là les «fuites les plus massives de toute l´histoire de l´armée américaine», qu´il qualifie d´«éthiques» et de «déontologiques». De fait, les guerres d´Irak et d´Afghanistan, et les secrets maintenus autour des deux plus grands conflits du troisième millénaire, interpellaient l´opinion publique dans le monde. Pour des raisons stratégiques, économiques et énergétiques, les Etats-Unis ont imposé au monde ces guerres: en Irak, d´abord, en Afghanistan ensuite. La première ayant même été déclenchée en transgression du droit international et de la Charte des Nations unies. La démocratie avait bon dos. Leitmotiv - mis en avant à l´époque par l´administration américaine du président George W.Bush - qui s´est révélé, après coup, sans fondement, après que les Etats-Unis aient mis la main sur les richesses énergétiques de l´Irak. De fait, ce que révèlent les documents mis en ligne par WikiLeaks est, dans une large mesure, déjà connu, mais met, toutefois, l´accent sur l´ampleur des exactions commises autant par les forces américaines et coalisées que par l´armée irakienne contre la population civile irakienne. Cela, dans une impunité totale. Déjà, en juillet et août derniers, l´organisation avait publié, en deux temps, quelque 90.000 documents sur l´Afghanistan lesquels montrent les dégâts de la «pacification» américaine et coalisée. Vendredi soir, ce sont 400.000 documents classés sur l´Irak qui ont été livrés aux internautes. Le fondateur de l´organisation WikiLeaks, Julian Assange, justifie son action en estimant que la première victime de la guerre reste la «vérité». En fait, si l´initiative de WikiLeaks fait sortir de leurs gonds les responsables militaires et politiques américains, ce qui n´est pas une surprise, elle a également induit une sorte de malaise parmi les journalistes et les ONG. Ce qui était moins évident. En effet, le questionnement du comment informer n´est guère nouveau, marqué par le dilemme de savoir jusqu´où aller. Quelle(s) limite(s) donner au droit et au devoir d´informer? Vaste programme en vérité, surtout par ces temps de multiplication de l´information ultrarapide que permettent les réseaux numériques et informatiques. Cela d´autant plus que l´information n´est pas toujours, ou pas totalement, innocente, singulièrement lorsqu´elle est livrée par des groupes d´intérêts. Cela a d´ailleurs fait dire, dans les années 70, à un journaliste émérite, que la seule information «crédible», était l´information «volée». Ce qui nous ramène aux fuites qui ont donné à WikiLeaks de mettre à nu quelques-uns des mensonges et aspects - souvent atroces - des guerres «civilisatrices» menées par les Américains, notamment en Irak et en Afghanistan. Quelle information divulguer, laquelle dissimuler? Effectivement, le débat sur l´information et les sources d´information est sans fin et reste inépuisable. Mais il semble bien qu´aujourd´hui, le contexte a changé de nature du fait de la facilité d´accès à l´information d´un large public et de la multiplication des sources d´information. Aussi, réfléchir sur ce qui est publiable et sur ce qui ne peut l´être - ne serait-ce que du point de vue de l´éthique et de la morale - est la gageure à laquelle est confronté le journalisme d´aujourd´hui.