Les ressources hydriques souterraines sont surexploitées. «Etes-vous déjà allé en Tunisie?», avons-nous demandé à un jeune Tébessi. On pensait savoir la réponse, c'était juste pour l'accoster, mais contre toute attente notre interlocuteur répondit par la négative et pour cause: il n'a pas effectué son service national. Voilà un élément inclus dans l'ensemble «BTS», mais qui ne répond pas à toutes les conditions de son appartenance. «Quel paradoxe!», s'étonne un membre de la délégation qui a accompagné Abdelmadjid Attar en visite de travail à Tébessa. «Ou peut-être est-ce l'exception qui confirme la règle», s'est-il ravisé. En réalité, cette fatalité imposée aux jeunes de Tébessa de s'engager dans l'armée dès l'âge de 18 ans n'est plus de rigueur. Dieu merci! Les jeunes de cette wilaya ont maintenant d'autres perspectives. Plus de 60% sont officiellement au chômage, mais gagnent leur vie mieux que n'importe quel fonctionnaire ayant vingt ans d'expérience dans la Fonction publique. C'est un autre paradoxe, mais économiquement justifiable celui-là par le fait du principe du libre-échange auquel s'est reconvertie l'Algérie depuis le début des réformes entamées il y a dix ans. Au bout de quelques années cette ville frontalière a changé de visage au même titre que beaucoup de ses citoyens de statut. De Tébessa on «exporte» des bananes, des pneus et des articles électroménagers pour importer des pâtes et de la friperie. «Les échanges commerciaux» des deux côtés de la frontière algéro-tunisienne, sont prospères en ce mois de ramadan. Thevest est l'une des premières villes d'Algérie à rompre le jeûne. Au moment où à l'ouest du pays, on guette encore l'appel du muezzin, les cafés de Tébessa se remplissent déjà. Outre le thé, le café, la chamia (Kelbellouz), le fait le plus marquant est le narguilé appelé à Tébessa chicha et communément connu sous le nom de «ringuila». L'appareil importé de Tunisie agrémente le décor des cafés. Une pincée de maâssel qui grille sous une plage de charbon, il vous suffit de tirer à pleins poumons sur un tuyau pour absorber la fumée qui transite par un vase rempli d'eau et constituant le support de l'appareil. Les soirées s'engagent dans ce décor bercées par la musique orientale et les effluves du goût mielleux dégagé par la fumée. «C'est 200 DA pour une bonne kemia de maâssel», nous lance le serveur du café qui ajoute, après avoir constaté notre étonnement devant cet appareil qui rappelle les Mille et une nuits: «Vous pouvez faire fureur avec un système pareil à Alger.» A Tébessa on ne discute pas beaucoup politique, il est souvent question d'affaires. Exceptionnellement aujourd'hui on évoque la visite du ministre des Ressources en eau, Abdelmadjid Attar, qui vient à Tébessa pour la deuxième fois en l'espace de cinq mois. En matière d'alimentation en eau, Thévest a été déclarée sinistrée par le ministre. Aucun barrage n'existe à Tébessa. Cette wilaya puise toutes ses ressources hydriques dans les nappes phréatiques qui connaissent une surexploitation. Un autre paradoxe, qui s'apparente à celui de l'âne de Buridan. En effet, le sud de la wilaya de Tébessa est situé à 60 km de la nappe albienne. Le ministre évoque «la situation» avec insistance avant qu'un cadre de la wilaya lui signifie qu'il y a un dénivelé de 900 m. El-Aouinet et Ouenza sont deux daïras qui vivent un véritable calvaire. Elles reçoivent de l'eau un jour sur sept pendant quatre heures. Attar a insisté sur l'évaluation complète des ressources souterraines. «J'ai l'impression qu'il n'y a pas de données suffisantes à ce propos», déclare l'ancien chef du district 2 à la Sonatrach. Pour Attar, la réalisation du barrage de Saf-Saf est devenue une nécessité quelle que soient les contraintes. L'oued Saf-Saf est situé juste sur la frontière algéro-tunisienne. «Les Tunisiens ont essayé de le détourner chez eux», déclare le wali. Le Fades a refusé le financement du barrage car il n'est pas rentable économiquement. «Je demande comment on peut parler de rentabilité économique alors que des populations entières risquent de mourir de soif», appuie le ministre comme pour dire que le barrage se réalisera.