Abou Tourab signe son retour de manière sanglante. Une bombe artisanale de près de 4 kilogrammes a explosé, jeudi, à 8 h précises, dans le marché de Boukadir, dans la wilaya de Chlef. L'explosion, qui a été entendue à six kilomètres à la ronde, a tué sur le coup, quatre personnes et fait seize blessés, dont au moins deux «dans un état très graves», selon des sources médicales. La grande panique qui s'en est suivi a fait aussi quelques blessés légers. Les gens couraient dans tous les sens, certains pensant que d'autres bombes pouvaient exploser encore, d'autres croyant que la déflagration préludait à une incursion terroriste d'envergure. Un premier bilan, établi dès 9 h par les services de la Protection civile, faisait état de deux morts et 10 blessés, avant d'être revu à la hausse. Les victimes étaient des citoyens qui faisaient leurs achats hebdomadaires dans ce marché de Boukadir, à une heure où les commerces venaient à peine d'ouvrir. Le bilan des morts et des blessés aurait pu, comme celui de Larbaâ le 5 juillet dernier (45 morts et 70 blessés), être plus important si l'explosion s'était produite une heure plus tard. Les services de la Protection civile affirment que l'engin, de fabrication artisanale, a été bien dissimulé dans un petit sac, alors que le recours à ce genre de procédé par les groupes armés a été abandonné depuis plusieurs mois, ce qui a fait baisser la vigilance des citoyens concernant les paquets douteux. La police scientifique est intervenue et les prélèvements de bris de ferraille et de l'engin qui a servi à fabriquer la bombe se sont poursuivis jusqu'à midi. C'est vraisemblablement un groupe du GIA d'Abou Tourab Errachid qui a perpétré l'attentat. Tout, pratiquement tout, renseigne sur les auteurs du carnage et la signature porte le cachet, ostensiblement affiché, de la stratégie du GIA. Le lieu d'abord: un marché hebdomadaire, le jour ensuite: un jour férié, l'heure enfin: la première d'une journée active. Toutes les similarités sont là pour faire (re) penser à la bombe qui a explosé au marché de Larbaâ, le 5 juillet dernier, et qui a fait 45 morts et des dizaines de blessés. Même les composants chimiques et les amas de fer coupé «en boulons» sont identiques, selon une source sécuritaire. Le choix du jour, le début de week-end, permet aussi à la presse de «bien couvrir» l'événement et de donner au GIA l'effet médiatique escompté. On se souvient que lorsque l'attentat, commandité par l'émir du GIA Abou Tourab Errachid s secoué la paisible ville de Larbaâ, tout le monde s'était empressé de pointer un doigt accusateur sur les repentis de l'AIS, avant que les services de sécurité ne capturent le groupe algérois du GIA, composé de 16 personnes, et qui a avoué avoir été l'auteur de l'attentat dans l'ex-fief de l'AIS du centre, afin d'entretenir l'amalgame et de brouiller les pistes. Bien que le Ghds (Hommât eddaâwa essalafiya) marque aussi sa présence à Chlef, c'est vraisemblablement le GIA qui porte la signature de cet attentat, qui place la région de Chlef et la ville de Boukadir sur une poudrière. On sait désormais, qu'après ses déroutes à Alger, Blida, Médéa et Tipasa, le GIA s'est fixé une stratégie de la tension qu'il entretient depuis le mois de juillet. De Boukadir à Sidi Akkacha (à 7 km du littoral de Ténès), de Sendjas à Béni Haoua, les maigres effectifs du GIA actuel, qui ne dépassent pas les 70 hommes (estimation des services de sécurité), ont essaimé en une dizaine de sous-groupes quasi autonomes et opté pour le «mouvement perpétuel», afin d'éviter d'être localisés. Ouakali Rachid qui a remplacé Zouabri, n'a plus (re) donné signe de vie depuis le communiqué d'intronisation du 14 février 2002 qu'il a cosigné avec son dhabit char'i (officier juriste). La neutralisation du «groupe du Sahel», composé d'éléments actifs, tels Azzoug, Selmane et Laouar, en plein été, a poussé le GIA à privilégier les maquis de Aïn Defla, Khemis Meliana et Chlef. Cette dernière occupe désormais, la tête des régions les plus touchées par le (re) déploiement nouveau du GIA, avec près de 140 assassinats depuis le début de l'année, bien avant Tiaret, Médéa et Aïn Defla. Selon un rapport établi par l'autorité militaire et élaboré sur la base d'aveux de repentis du GIA, cette organisation ne dispose pas plus de soixante hommes, répartis en plusieurs sous-groupes. L'implantation actuelle du GIA à Alger, Blida et Médéa est peu importante, avec, toutefois, une meilleure emprise sur la dernière wilaya dont les accès Est et Ouest restent privilégiés. Tipasa est de plus en plus privilégiée par certains groupes du GIA, qui transitent par les contreforts de Djebel Chenoua, Sidi Ghiles pour rejoindre leurs acolytes à Béni Haoua et Ténès. Aïn Defla et Khemis-Miliana offrent des caches inestimables, tandis que Tissemsilt, Chlef et Tiaret restent les plus exposés aux incursions du GIA, lequel se replie souvent, vers les monts accidentés de l'Ouarsenis. La présence du GIA au Sud (Laghouat, Djelfa, Béchar) et à l'Est (Annaba, les Babors, etc) reste dérisoire, du fait de l'expansion du Gspc, qui s'est affirmé, depuis deux ans, comme le groupe armé le plus important actuellement.