Un amphithéâtre fermé. Un appariteur qui a pris la clef des champs, sans jeu de mots. Un tout-puissant ministre obligé d'improviser une conférence de presse en plein air. C'est l'image d'une Algérie plus que jamais vouée au langage de sourds. Depuis deux ans qu'il bataille pour faire adopter son projet de loi sur les hydrocarbures, le ministre de l'Energie et des Mines, M.Chakib Khelil, en est réduit à prêcher dans le désert. C'est comme si le combat a cessé, faute de combattants. En désertant le terrain, les syndicalistes de l'Ugta renvoient le ministre à un soliloque avec lui-même. Et c'est tout naturellement, que tirant la leçon de tout ce débat stérile, le Président de la République a décidé de retirer le projet de loi sur les hydrocarbures. Voilà donc les pendules remises à zéro. Dans cette affaire des hydrocarbures plus que dans le dossier des privatisations, Abdelmadjid Sidi Saïd, qui n'est pas un enfant de choeur, a joué sur du velours. Alors qu'il avait accepté de tenir une journée d'étude avec Abdelhamid Temmar, le patron de la Centrale syndicale a carrément ignoré Chakib Khelil qui voulait organiser un colloque à Constantine. C'était une manière sans équivoque de signifier la mort prématurée d'un projet non désiré, qui, depuis quelque temps, donnait l'impression de n'être qu'un bébé in vitro. Le projet de loi sur les hydrocarbures est une greffe qui n'a pas porté. Rejetée par le corps social, cette greffe a mis à nu les incohérences d'un ministre qui n'a pas su se mettre en phase avec les acteurs sociaux. Sans appui au Parlement, sans attache avec les partis politiques dominants et membres de la coalition au gouvernement, Chakib Khelil, qui a passé une bonne partie de sa carrière loin du pays et au sein des institutions internationales, est apparu ignorant des réalités nationales et étranger aux forces politiques en présence. Aucun ministre ne peut réussir un programme de réformes s'il ne bénéficie pas d'une base sociale solide, et de cette vérité élémentaire, M.Chakib Khelil n'en a pas tenu compte. Mais surtout sur un dossier aussi sensible que celui des hydrocarbures, pourvoyeurs de 95 % des rentrées en devises pays, c'était aller vite en besogne que de vouloir battre les résistances qui se font jour sans passer par un débat serein et contradictoire. On n'oubliera pas non plus que le débat a eu lieu d'une manière biaisée au cours de la campagne pour les élections locales. Aussi bien le secrétaire général du FLN et néanmoins Chef du gouvernement que le président de l'Assemblée populaire nationale ont exprimé des réserves à l'endroit d'un texte jugé inopportun, par ailleurs vilipendé par des partis comme le RND. Tous y voyaient la menace d'une mainmise étrangère sur les ressources énergétiques du pays. Le forcing exercé par les émissaires des puissances étrangères n'a fait que confirmer ces craintes. Mais au lieu de revoir sa copie, M.Chakib Khelil s'est complu dans une sorte de fuite en avant dont il fait aujourd'hui les frais, optant pour une politique économique ultralibéraliste rejetée par les acteurs sociaux. En occupant, voire en usurpant le poste de P-DG par intérim de Sonatrach, M.Khelil a cru mettre tous les atouts de son côté, mais toutes les cartes dont il a usé lui reviennent aujourd'hui à une sorte d'effet boomerang. Et la question qui se pose est de savoir si le Président de la République n'a pas été mal inspiré de miser sur des chevaux perdants, voire les mauvais génies comme Hamid Temmar et Chakib Khelil.