La circulaire numéro 14 a eu pour effet de geler la quasi-totalité des activités de cette entreprise névralgique pour toute l'économie nationale. De nombreux cadres de Sonatrach se disent scandalisés par la circulaire numéro 14 de M.Chakib Khelil, P-DG par intérim de cette entreprise, également ministre de l'Energie et des Mines. «C'est parce que les choses sont allées trop loin et que Sonatrach est menacée de disparition, expliquent nos sources, que nous nous sommes décidés à rompre le silence». Si Chakib Khelil impose cette rigueur en train de mettre à genoux la Sonatrach, il ne se prive pas, en revanche, de certaines largesses qui en disent long sur le peu de cas qu'il fait de la survie de cette entreprise. Il affrétait H24, jusqu'à un passé récent, un avion de Sahara Airlines pour ses déplacements personnels pour la bagatelle de 1 million de dollars par mois. Lui et ses plus proches collaborateurs, en outre, ont acheté à des prix qui ne sont sans doute pas passés par un avis d'appel d'of-fres, des logements haut standing à Hydra. Il s'agit d'un immeuble de 32 étages payé par la Sonatrach puis cédé à certains de ses cadres. Chakib Khelil a accaparé les deux appartements situés au dernier étage. Le payement s'est fait grâce à des prêts Cnep et d'énormes facilités fournies par Sonatrach. Chakib Khelil n'en continue pas moins de vivre à Djenane El-Mithaq aux frais du contribuable. Jusqu'à quand? Toujours dans le domaine de l'immobilier, Chakib Khelil a acquis deux tours dans lesquelles seul le gros oeuvre a été effectué, au même endroit et chez le même fournisseur. Ce qui a coûté à Sonatrach la bagatelle de près de 400 milliards. Il faudrait une somme équivalente pour les finaliser. Ces acquisitions, pour la petite histoire, ne sont pas passées par un avis d'appel d'offres...Explication. La circulaire de ce ministre, vieille de près d'une année, prévoit que toutes les acquisitions de Sonatrach se feront par la voie d'avis d'appel d'offres. Nos sources expliquent qu'«il s'agit là d'un excès de zèle que rien n'explique puisque le code des marchés ne rend indispensable cette démarche que lorsque le marché dépasse la somme de 500 millions de centimes». L'excès de zèle paraît d'autant plus évident, selon nombre d'observateurs, que Chakib Khelil, ancien consultant à la Banque mondiale, n'ignore rien de l'efficacité dans la bonne gestion d'une entreprise comme Sonatrach où la bureaucratie peut lui être fatale face à la concurrence de plus en plus acharnée tant en Algérie qu'ailleurs dans le monde. Nos sources en veulent pour preuve «l'arrêt de production de certains puits de pétrole à cause du manque de pièces causés par le non-aboutissement de bon nombre d'avis d'appel d'offres». Ces arrêts trop fréquents handicapent grandement le rendement de cette entreprise, grevant par là-même le budget de l'Etat algérien, tributaire presque en totalité de nos recettes pétrolières. Des chiffres existent. Sur les quelque 1000 avis d'appel d'offres lancés l'année dernière, seule une quarantaine a abouti, ce qui donne un taux de 4 % à peine. Un véritable scandale. Nos sources, ironisant sur cette situation devenue intolérable, racontent que «le matériel informatique tombe en désuétude alors que de plus en plus de micros sont en panne à cause de faux problèmes liés au manque de consommables». Sur le plan de la paperasserie, les choses ne vont guère mieux. «Nous n'avons plus de papiers, ni de stylos. C'est un comble pour une entreprise de cette envergure. L'avis d'appel d'offres en ce sens tarde à venir parce que la direction attend qu'assez de demandes soient reçues pour lancer un avis d'appel d'offres conséquent.» D'ici à là, le travail va pianissimo, ce qui n'est pas pour déplaire à certains qui tirent prétexte de cette situation pour ne pas travailler. Toujours dans le registre des faits cocasses, nos sources ajoutent que «l'appel d'offres pour la confection des calendriers et agendas de fin d'année vient juste d'aboutir. Il faudra donc attendre plusieurs mois encore avant que ces produits, censés être distribués maintenant, ne soient disponibles». Si Chakib Khelil, nous disent nos sources, explique sa mesure par la nécessité de rentabiliser la gestion et de faire gagner de l'argent à Sonatrach, la situation est tout autre. On en veut pour preuve «le marché d'acquisition d'une grande quantité de ciment où les soumissionnaires s'étaient entendus pour soumettre une offre minimum de 450 dinars le sac alors que le prix n'est que de 250 dinars. Le comble c'est que le code des marchés oblige l'entreprise à accepter l'offre même si l'arnaque paraît visible à l'oeil nu».Chakib Khelil cherche également à expliquer sa démarche par la nécessité d'apprendre à ses cadres à gérer les stocks. Or, elle les pousse plutôt à en accumuler, allant jusqu'à évoquer l'éventualité de mettre en place une filiale chargée de cette question avec toutes les difficultés pouvant résulter du stockage de certaines denrées périssables comme le papier et le matériel informatique. Mieux encore, la bonne gestion des stocks, nous disent des cadres, est bien celle qui vise à atteindre le stock zéro. Or, Chakib Khelil fait tout à fait l'inverse. La moyenne de temps pour un avis d'appel d'offres est d'une année, une éternité, disent nos sources, dans un domaine comme celui-ci. Si Chakib Khelil, commentent-elles, a réellement cherché l'efficacité, c'est tout à fait le contraire qui a été atteint. Les raisons de cette colère ne s'arrêtent pas là. Des dérogations sont permises en cas d'urgence pour l'acquisition de certains matériels nécessaires au bon fonctionnement d'un service donné. «Mais à moins, nous dit-on, de faire partie du cercle des intimes de ce ministre, la dérogation prend autant de temps qu'un avis d'appel d'offres. Chakib Khelil a bureaucratisé Sonatrach». Et d'ajouter: «Il est allé jusqu'à mettre en place une filiale, avec tout ce que cela coûte, pour gérer les avis d'appel d'offres». Ces derniers passent dans le Bowsem que bien peu de personnes consultent, ce qui fait que la plupart des partenaires traditionnels de Sonatrach ont fini par se lasser. Quant à passer ces appels dans la presse nationale, il faut d'abord lancer un avis d'appel d'offres pour voir quel journal choisir. «En d'autres termes, la question reste posée, ironisent nos sources, sur la poule et l'oeuf et ne trouvera sans doute pas de réponse de si tôt».