Entreprise numéro 1 en Afrique, tous secteurs confondus, et 12e au niveau mondial, Sonatrach est avant tout la première société algérienne. Elle assure 98% des recettes en devises du pays avec une production de 1,2 million de barils par jour. Elle emploie 120 000 personnes et a réalisé, en 2008, un bénéfice net de près de 9 milliards de dollars pour un chiffre d'affaires annuel de 80 milliards de dollars. L'entreprise, érigée en un gigantesque groupe, bénéficie d'une intention particulière de la part des dirigeants du pays. C'est ainsi que Chakib Khelil, le ministre de l'Energie et des Mines, s'est retrouvé comme le principal gestionnaire du groupe. D'ailleurs, il se dit qu'à Sonatrach rien ne se fait sans l'aval du ministre. Pourtant, à travers la loi sur les hydrocarbures de 2005, le ministre ambitionnait de faire de la compagnie nationale une entreprise pétrolière au même titre que les autres grosses compagnies pétrolières mondiales. Sonatrach est certes développée. Elle est à l'international, opérant au Pérou, Mali et Niger. Sonatrach met en place son réseau de commercialisation de gaz en Europe. Mais l'entreprise a péché sur l'essentiel. Sonatrach n'a pas été en mesure de mettre en place un management à même de consolider sa position et de la hisser au niveau de la concurrence mondiale. La récente mise en cause des cadres de la société est venue confirmer ce constat et rappeler à l'opinion publique à quel point l'image de la plus grande entreprise nationale est souvent associée à des scandales liés à des violations des dispositions du code des marchés publics. Outre le P-DG Mohamed Meziane, ce sont aussi 10 autres membres de la direction de la Sonatrach qui ont été mis, soit en prison soit sous contrôle judiciaire, suspectés de corruption dans le cadre des passations de marché. Censée être la société la plus fiable et la plus loyale en Algérie, Sonatrach est, cependant, loin d'avoir une bonne réputation en matière de transparence. La multiplication des passe-droits, le gré à gré, ainsi que le favoritisme dans l'attribution de contrats et la dilapidation de l'argent sont des pratiques qui n'ont jamais cessé de s'agripper aux centres décisionnels de Sonatrach. À cela s'ajoute également le recours abusif de Sonatrach à des sous-traitants étrangers avec des contrats douteux. Elle dépense, par exemple, plus de 1 milliard de dollars par an en importation de pièces de toutes sortes sans jamais faire appel à la production locale, ce qui est bien évidemment préjudiciable financièrement. Pourtant, en février 2002, le ministre de l'Energie avait signé une directive qui stipulait que toutes les passations de marchés, quels que soient leur mode et leur montant, doivent faire appel à la concurrence par le recours à l'appel d'offres ouvert ou restreint national et/ou international. L'optimisme était grand en 2004 à l'occasion de la mise en place de la “directive de passation des marchés de fournitures et montage d'installations et de services physiquement quantifiables”. Le ministre de l'Energie affirmait que la nouvelle directive allait permettre d'assainir les procédures. Cette fameuse directive redéfinissant le mode de passation des marchés n'a pas permis à Sonatrach de se défaire d'une image pas très reluisante. Et pour cause, Sonatrach, tout en mettant en place de nouvelles procédures, permettait dans une autre circulaire aux responsables d'user du gré à gré en cas d'urgence. Cette seconde circulaire qui restait très vague sur la notion d'urgence a permis la généralisation d'une anomalie dans le fonctionnement et la gouvernance de la compagnie pétrolière nationale. Par ailleurs, les instances de contrôle, d'audit de Sonatrach n'ont bizarrement pas fonctionné. Cette anomalie a rendu possible plus de 1 600 contrats de gré à gré sur les dix dernières années.