La réalité amère rapportée par les cadres de Sonatrach ne concorde pas avec les propos rassurants de Abdelhafid Feghouli, PDG par intérim de la compagnie. Ce dernier a démenti le gel des contrats, alors que, dans un courrier, il fait injonction à ses cadres d'attendre les mesures transitoires, non encore décidées, pour tous les contrats signés après le 21 décembre 2009. Ce qui a créé une situation de blocage et d'incertitude que révèlent de nombreux cadres. Les déclarations de Abdelhafid Feghouli, PDG par intérim de Sonatrach, à propos de la situation au sein de la compagnie pétrolière, dont les dirigeants ont été éclaboussés par un scandale, laissent perplexe, parce qu'elles ne concordent pas avec le constat établi par ses propres cadres. Ces derniers sont dans le désarroi le plus total, notamment depuis la note-circulaire que Feghouli a signée et transmise aux directeurs exécutifs, centraux ainsi qu'aux présidents des holdings ayant pour objet le processus des passations des marchés au sein de Sonatrach. Datée du 3 février dernier, cette note-circulaire, lit-on dans le premier paragraphe, a pour effet de clarifier les conditions de prise en charge de la circulaire du Premier ministre, transmise le 21 décembre 2009, à tous les membres de son gouvernement et qui fait état de la mise en œuvre des dispositions des marchés publics, dans le cadre de l'exécution de la directive n°3 du président de la République, relative « à la dynamisation de la lutte contre la corruption ». Celle-ci visait l'ensemble des contrats engageant des deniers publics conclus par les administrations centrales et déconcentrées, les collectivités locales, les établissements publics, les entreprises propriété de l'Etat ainsi que celles dans lesquelles l'Etat détient une part de capitaux, à l'exemple de Sonatrach. Autant la circulaire du Premier ministre était claire et précise, autant celle de Feghouli a laissé des incompréhensions et un flou qui ont laissé ses cadres dans l'impossibilité de prendre une quelconque décision. En effet, le patron par intérim de Sonatrach a indiqué à ses responsables que « tous les processus de passation de marchés lancés avant la date du 21 décembre dernier se poursuivent conformément aux procédures en place et de ce fait, il a rappelé aux responsables des structures opérationnelles et fonctionnelles qu'ils sont tenus de veiller à la poursuite des activités liées aux passations de marchés en observant scrupuleusement les procédures en vigueur, dans le respect des engagements pris à l'égard des tiers… ». Néanmoins, dans le quatrième paragraphe de cette lettre, Feghouli a écrit : « Des modalités transitoires seront communiquées aux différentes activités et structures pour ce qui est des processus lancés après réception de ladite circulaire. » Il a invité ses cadres à la fin « à prendre toutes les mesures nécessaires pour la poursuite des activités de l'entreprise et de s'en référer à la direction générale pour toute question spécifique ». Mais depuis, aucune « mesure transitoire » n'a été décidée, laissant les cadres dans l'expectative. « Le message du PDG n'était pas clair. D'un côté, il nous parle de mesures transitoires alors qu'à ce jour rien n'a été décidé. Nous avons déjà un problème non encore résolu qui a trait aux marchés de télésurveillance. Ils sont au moins sept qui sont bloqués depuis le début de l'année et personne ne veut prendre la décision pour trouver une issue et fermer ce dossier. Aucun cadre ne veut prendre la responsabilité d'engager quoi que ce soit. Ce qui a créé une situation de paralysie qui ne dit pas son nom. Tant que des explications claires à propos de ces mesures transitoires ne sont pas données, personne ne peut faire le moindre petit acte de gestion. Les gens ont peur et c'est légitime », nous a déclaré un cadre de la direction générale, sous le couvert de l'anonymat. Ce dernier s'est d'ailleurs interrogé sur le fait que les mesures contenues dans la circulaire du Premier ministre datée du 21 décembre 2009 n'ont pas été répercutées vers les directions de Sonatrach, et pourquoi Feghouli a attendu jusqu'au 3 février 2010, donc après le scandale qui a éclaboussé l'équipe dirigeante, pour transmettre sa note aux différents services concernés ? « La circulaire de Ouyahia est arrivée à la direction générale le 30 décembre 2009. Pourquoi n'a-t-elle pas été diffusée en temps opportun ? Comment se fait-il que ce n'est qu'après le scandale et une fois que la direction générale ait été sollicitée à l'effet de clarifier sa prise en charge que le PDG par intérim l'a communiquée ? Autant de questions qui s'ajoutent à cette confusion que ce dernier a engendrée en parlant de mesures transitoires non encore prises. » En tout état de cause, M. Feghouli ne peut cacher l'amère vérité liée à la situation d'inertie et d'incertitude vécue par ses cadres, du fait surtout de l'absence de communication et d'information sur ce séisme qui a ébranlé la compagnie.