Les chiffres relatifs au taux de chômage et à la création d'emplois continuent de susciter la polémique. Alors que le gouvernement annonce une baisse sensible du taux de chômage, des chercheurs et des économistes continuent à remettre en cause la fiabilité de ces chiffres, d'autant plus qu'ils prennent en compte les personnes travaillant dans l'informel, ceux disposant de contrats à durée déterminée ou encore bénéficiant du filet social. En recevant le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, dans le cadre des auditions annuelles, le président Bouteflika mettra le doigt sur la plaie : “Le gouvernement doit poursuivre ses efforts d'identification de la demande réelle d'emplois au niveau de chaque wilaya. L'Office national des statistiques devra accorder une importance particulière à ce volet de sa mission. L'Agence nationale de l'emploi doit être consolidée dans sa position de point focal pour tous les demandeurs d'emploi afin de renforcer l'information du service public sur le marché du travail.” Le président Bouteflika reconnaît que “la montée du chômage a été la plus dure séquelle de la crise économique et sociale et de l'ajustement structurel que notre pays a traversés durant la décennie écoulée”. Par ailleurs, “le gouvernement est chargé de renforcer encore davantage les moyens d'intervention de l'inspection du Travail. Une politique efficace de lutte contre le chômage a nécessairement besoin d'une lutte permanente contre l'emploi informel et contre le contournement de la législation du travail. À cette fin, les différents services de l'Etat, qui gèrent l'information économique et sociale, doivent développer encore plus leur coordination et le partage de leurs données”. Et c'est justement là que le bât blesse. Les estimations officieuses évaluent la main-d'œuvre activant dans le circuit informel à quelque deux millions de personnes. Mais ces chiffres restent peu fiables, et difficilement vérifiables, tout comme d'ailleurs ceux annoncés par le gouvernement concernant les formules d'aide aux jeunes sans emploi. Selon les estimations du gouvernement, 300 000 jeunes arrivent chaque année sur le marché de l'emploi. Rien que pour 2007, l'Agence nationale de l'emploi a enregistré 900 000 demandes d'emploi. Si le gouvernement s'enorgueillit d'avoir créé plus de 4 millions de postes d'emploi entre 1999 et 2007, et d'avoir réduit le taux de chômage de 30% à 11,8%, il reste que ces chiffres sont à prendre avec des pincettes. Le gouvernement prévoit la création de 400 000 emplois dans le cadre du plan quinquennal 2009-2014, pour ramener le taux de chômage à moins de 10%. S'il est clair que des efforts colossaux ont été consentis en vue de réduire le taux de chômage, notamment à travers les différents dispositifs d'aide aux jeunes entrepreneurs, ou encore des avantages fiscaux accordés aux entreprises qui recrutent des jeunes diplômés, il n'en demeure pas moins que la lutte contre le chômage restera inefficiente sans relance économique. Si l'on analyse les chiffres communiqués par le gouvernement, on se rend compte que durant la décennie écoulée, 260 000 emplois directs sont, en fait, le fait de jeunes créateurs d'entreprises. Actuellement, les seuls services créateurs d'emplois restent les hydrocarbures, le bâtiment, les travaux publics, l'agriculture et les services. Si pour le premier, trouver une place relève du miracle, pour les autres secteurs, les emplois ne sont pas durables. C'est d'ailleurs cette tendance que le gouvernement semble privilégier. “Les programmes d'emplois d'attente seront maintenus à leur haut niveau actuel car ils participent à l'occupation des demandeurs d'emploi leur procurant un revenu minimum, en attendant que les conditions soient réunies pour leur insertion réelle dans le monde du travail”, selon le document du gouvernement. À défaut de garantir une relance de la machine économique, seule à même d'absorber les demandeurs d'emploi et d'endiguer le secteur informel, le gouvernement préfère continuer à offrir la charité aux jeunes, sous forme d'emplois précaires. Azzeddine Bensouiah