“Faites un effort et ajoutez-moi un point et demi pour être admis. C'est juste un petit point pour se débarrasser de moi définitivement. Faites-le au non de l'humanité”, supplie un étudiant. Le professeur plongé dans la correction des copies des examens de rattrapage ne fait aucun commentaire. Après un long moment d'insistance, l'enseignant en question réagit avec un niet non négociable. Pris de colère, l'étudiant s'en prend à lui dans un langage peu élégant. Insultes et menaces. La salle des enseignants de l'Institut des sciences de l'information et des sciences de la communication (Isic) est devenue en ces derniers jours d'affichage des examens de rattrapage, un lieu de négociation où chaque étudiant vient mendier quelques points pour être sauvés. “L'étudiant d'aujourd'hui est paresseux. Très peu parmi eux font des efforts de recherche et de lecture. Ils arrivent même à se faire passer les exposés d'autres sections. Leur but c'est d'être diplômés à tout prix, notamment par le copiage, la charité des points et l'intervention de personnes influentes”, explique M. Kaced, enseignant à l'Isic. Bien entendu, cela ne s'applique pas pour tous les étudiants, mais selon les témoignages des enseignants, un étudiant sur trois a recours aux moyens non pédagogiques pour obtenir leurs modules. Alors que la norme est de quinze au maximum, nos étudiants sont entassés dans des groupes d'étude qui dépassent les 60. Ce qui empêche les professeurs de dispenser un enseignement digne. Interrogés sur le niveau, les étudiants reconnaissent leur démotivation et leurs lacunes, ils pointent du doigt sur le ministère de l'Education nationale. “Certes nous n'avons pas le niveau nécessaire comparé aux générations précédentes, mais ce n'est pas notre faute si nous avons des lacunes, nous sommes des victimes de l'éducation nationale et des systèmes d'orientation”, justifie Amel étudiante en langue française. “On m'a orienté dans la filière langue française alors que je n'avais obtenu un 7/20 au baccalauréat. Moi je voulais m'inscrire en sciences politiques. Résultat : six ans pour l'obtention d'une licence”, enrage-t-elle.. Plus de 60% des étudiants se présentent aux examens de synthèse Nous apprenons que plus de 60% des étudiants de l'Université d'Alger se présentent en examen de synthèse et 40% en rattrapage. À titre d'exemple, le département de langue anglaise a enregistré cette année des résultats catastrophiques où près de 90% des étudiants se sont présentés pour l'examen de synthèse et 75% en rattrapage. Sur une promotion de 330 universitaires en 4e année, seuls 40 étudiants ont obtenu leur diplôme en juin et 31 en session de synthèse. Au total, 73 ont eu leur licence cette année dont 7 avec rachat et 250 étudiants attendent l'affichage des examens de rattrapage. “L'université accueille ce que la société lui envoie. Le phénomène de baisse de niveau universitaire est mondial. Nous sommes conscients de cette régression et nous travaillons pour le relever”, déclare M. Berraghda, vice-recteur chargé de la pédagogie à l'université d'Alger. Il explique, cependant, que ce phénomène est lié à la baisse d'investissement de l'étudiant dans son cursus universitaire et l'arrivée de nouvelles technologies non maîtrisées dans notre société. “Les études n'ont plus leur valeur d'autrefois, ce qui importe à l'étudiant d'aujourd'hui c'est l'obtention du diplôme sans se soucier du contenu de sa formation. Ajoutez à cela la démotivation de certains enseignants qui ne leur font pas aimer leur module”, précise-t-il. Selon notre interlocuteur, nous sommes passés à une société de consommation et une culture de facilité et cela s'applique également à l'universitaire. N. A.