La correction participe du mythe qui entoure l'examen du baccalauréat. Cette année, le ministre de l'Education brise le tabou et ouvre les salles de correction à la presse. Reportage. Une première dans l'histoire des examens et concours en Algérie. Le ministre de l'Eduction nationale, Boubekeur Benbouzid, a voulu abattre sa dernière carte, avant d'entamer le premier bac de la réforme scolaire. Pour finir en beauté, le ministre a choisi la transparence dans les centres de correction en ouvrant les portes aux journalistes afin d'observer le déroulement des corrections des copies d'examen. Une autre nouveauté pour cette année, l'Office national des examens et concours (Onec), sur recommandation du ministère de l'Education, a opté pour la délocalisation des feuilles d'examen. Ainsi, les copies des candidats de l'Algérois sont corrigées dans trois wilayas : Tizi Ouzou, Boumerdès et Tipasa et les trois centres de correction d'Alger, à savoir le lycée Ibn-Haïthem (lycée technique), Hassiba-Ben-Bouali et Amara-Rachid se chargent de la correction de près de 43 670 copies venus de Boumerdès, Tizi Ouzou, Illizi, Tamanrasset et l'école algérienne de Paris. Il est 9h30. Centre de correction Ibn-Haïthem dit Lycée technique. Depuis samedi dernier, 13 970 copies de candidats venues essentiellement de la wilaya de Boumerdès et de Tamanrasset sont passées au crible par les professeurs correcteurs. Ce centre de correction traite les feuilles d'examen de cinq filières de l'enseignement général, à savoir sciences de la nature et de la vie, sciences humaines, sciences islamiques, langues étrangères et gestion et économie. Le centre de correction Ibn-Haïthem compte près de 439 correcteurs, 61 jurys, 41 assistants au secrétariat et 10 agents de saisie pour six postes. Le personnel est chapeauté par un chef de centre et deux adjoints. Avant le début de la procédure de la correction, les copies sont compostées : le nom et le matricule du candidat sont remplacés par un autre matricule. Ce qui rend l'auteur de la copie anonyme, afin d'éviter tous types de triche ou de fraude. “Nous avons débuté les corrections vendredi dernier, mais ce jour-là nous l'avons consacré à la correction collective et l'explication du barème. Nous n'avons entamé la correction des copies que samedi”, a déclaré M. Belkaider Mouloud, chef du centre de correction Ibn-Haïthem. La cinquantaine bien entamée, le visage sympathique, les cheveux poivre et sel, à l'image de tous les enseignants, le chef du centre, qui est inspecteur de physique, nous dira qu'il participe à la correction des examens du baccalauréat depuis 1975. “À mes débuts, j'étais correcteur de physique, ce n'est qu'en 1992 que je suis devenu inspecteur de cette matière. Et je peux vous dire que les choses se sont drôlement améliorées depuis le temps. À l'époque, on faisait tout à la main et on passait deux à trois jours pour délibérer”, raconte notre interlocuteur avant de nous proposer de faire un tour avec lui au cœur des corrections. Il nous explique que trois blocs, de cet immense lycée de style colonial, ont été réquisitionnés pour la correction. “Les corrections des feuilles d'examen commencent à 8h et finissent à 14h, bien sûr nous assurons aux enseignants correcteurs tous les moyens pour que leur travail soit bien fait. Il y va de l'avenir de nos enfants”, précise-t-il. Le premier étage du bloc A est occupé par les correcteurs de l'épreuve maths, si redoutée par les élèves. Chaque classe est composée de 26 professeurs, parfois moins, chargés de corriger l'examen. La correction type posée sous les yeux, les enseignants sont plongés dans les copies. Rien ne les distrait, même pas notre présence. Ils passeront ainsi 10 jours à lire et relire les piles de feuilles entassées devant eux. “Les enseignants peuvent corriger entre 400 à 500 copies entre la première et la deuxième corrections. Bien sûr, il y aura une troisième correction s'il est relevé un grand écart de points entre les deux corrections”, explique-t-il. Les notes de chaque copie sont inscrites sur un bulletin qui sera transmis au secrétariat général pour une première vérification avant de le saisir au niveau de la base des postes d'informatique. Il existe un deuxième contrôle visuel et une troisième vérification par les agents de saisie après l'impression. Les bulletins seront une quatrième fois contrôlés par le secrétariat puis les professeurs correcteurs afin d'éviter toute erreur de saisie. C'est dire le caractère très minutieux de la procédure. Normal, c'est tout le cursus de l'élève qui est en jeu. Il est à noter que les correcteurs sont payés à raison de 33 DA la copie et une prime journalière de 500 DA. Une forteresse nommée Hassiba-Ben-Bouali Il est 11h, il ne fait pas moins de 34° C à l'ombre en cette journée d'été. Quartier de Ben Omar. Le lycée Hassiba-Ben-Bouali est l'un des trois centres de correction des examens du baccalauréat réquisitionnés à Alger. Ici, transitent 13 736 copies d'examen destinées à être corrigées, venues essentiellement de Tizi Ouzou, Illizi et du lycée algérien de Paris de différentes filières, à savoir sciences de la nature et de la vie, sciences humaines, sciences islamiques, langues étrangères et gestion économie. Des barrières de police empêchent quiconque de s'introduire dans la rue où se trouve le centre de correction. Des policiers sont mobilisés dans les quatre coins du lycée où personne n'est autorisé à y entrer. Pour accéder à l'intérieur, il faut monter patte blanche. Nous étions escortés par un accompagnateur jusqu'au bureau du chef de centre. Dans le long couloir qui nous mène au bureau, une grande affiche, qui proclame “Il est interdit d'accéder ici”, nous accueille et des tables barrent l'entrée de certaines classes. Notre accompagnateur nous explique que ces classes sont interdites même au correcteur, car c'est la banque des copies et les salles d'informatique. Enfin, le bureau du chef du centre. Le responsable nous explique que ce centre compte 495 correcteurs. Il précise qu'il a 10 581 copies de candidats de filières de sciences de la nature et de la vie, dont la plupart sont de la wilaya de Tizi Ouzou, 2 006 copies de gestion et économie, 5 88 langues étrangères, 403 sciences humaines et 158 feuilles d'examen de sciences islamiques. Le responsable précise qu'il y a eu certaines copies qui sont arrivées en retard, jeudi dernier, comparé à celles de Tizi Ouazou et celles de Boumerdès. Un tour dans les classes de correction. “In this classroom, you ask your question in english”, soit “dans cette salle, il faut poser vos questions en anglais”, lance un correcteur de langue anglaise d'un air amusé. La correction des sujets du bac sous les yeux, les professeurs sont plongés dans les copies des candidats. Après avoir expliqué le barème et la correction, le responsable des correcteurs de langue anglaise souligne que les sujets de langue anglaise étaient accessibles. “Les thèmes abordés dans les sujets d'examen font partie du programme scolaire. Le reste dépend de la compréhension et du niveau de l'élève”, explique-t-il. Interrogé sur les notes des candidats, on apprend qu'elles varient entre 15 à 8, cela dépend des filières. “Nous avons eu trois cas de copies ou nous avons donné une note complète à l'essai 4/4”, précise un enseignant. Même chose dans la salle de la langue française. Notre tour des centres de correction s'achève à Amara-Rachid. L'un des plus grands avec 15 964 copies d'examen, venues de Tizi Ouzou et de Boumerdès, de différentes filières. Il est 13h, la plupart des enseignants ont fini la première correction. “En trois jours, j'ai corrigé 160 copies de l'épreuve de la langue arabe”, confie une enseignante. Elle précise qu'elle a donné de bonnes notes surtout dans la filière sciences humaines. À propos des copies des filières techniques, elle dira que “les candidats travaillent de manière très pragmatique. Ils résolvent les exercices les plus notés dans les matières secondaires afin d'éviter la note éliminatoire et cartonnent dans les matières importantes”. De l'avis des correcteurs, les sujets étaient abordables. Conséquence : de bonnes notes ont été données dont un 18/20 en philosophie. “Selon la première correction, nous pensons que le taux de réussite sera supérieur à celui de l'an dernier car les sujets était accessibles”, présage un autre correcteur. Selon ces enseignants, la notion de la correction large ou serrée n'existe plus, puisque tout est sur le barème, notamment les épreuves des matières littéraires telles que l'arabe, la philosophie, l'histoire et géographie… Quant aux délibérations qui sont l'ultime phase du processus de correction, avant la proclamation des résultats, elles se tiendront le 4 juillet prochain. “À vrai dire, il n'y a pas de délibérations qui durent deux à trois jours, puisqu'il n'y a plus de rachat. Désormais, il faut avoir un 10/20 pour décrocher le baccalauréat”, rectifie le chef du centre de correction. Et de nous indiquer que les résultats seront communiqués le jour même. Rendez-vous donc le 4 juillet. Nabila Afroun