Pour la deuxième année consécutive, une ville de la région parisienne a organisé un “Salon du mariage oriental”. À l'initiative d'une diplômée de l'école de commerce, la première édition a attiré près de 20 000 visiteurs en deux jours. Un énorme succès qui a conduit Zoubida Chergui à récidiver avec un autre rendez-vous, le week-end dernier, au Palais des congrès de Montreuil où les 7 000 m2 réservés à l'évènement se sont révélés exigus pour contenir la masse des visiteurs aguichés par une ambiance digne des Mille et une nuits : danses sur des rythmes traditionnels ou remastériés à la mode R'n'B, défilés de somptueuses créatures drapées de kaftans et de robes en soie perlées, parures scintillantes, toilettes fines et ambiance hammam avec savon noir, sels de la mer Morte et huile d'argan, mariées transportées en princesses sur les “amariyas” par des jeunes hommes dans leur grand apparat, “négafate” aux petits soins avec ces mariées. Filles ou garçons, les jeunes émigrés d'origine maghrébine ou orientale ne célèbrent plus leur mariage dans la discrétion de leurs cités. Ils n'ont plus besoin aussi de revenir au pays des ancêtres pour sceller une union digne des rêves de leurs parents et de leur propre culture qui est double. Selon Zoubida Chergui, quelque 40 000 mariages impliquant ces jeunes sont célébrés chaque année en France. Avec au minimum 10 000 euros la cérémonie, c'est un marché qui est en train d'exploser littéralement. Certaines unions impliquant des familles riches sont célébrées dans les palaces parisiens à des prix défiant l'imagination. En aval de cette tendance, s'est donc développé un immense marché. Salles des fêtes, hammams, stylistes, décorateurs, esthéticiens, animateurs (DJ et tbabel), voyagistes spécialisés, traiteurs hallal ont commencé à ouvrir boutique aux quatre coins de la France. La pose du henné est ici le fait de spécialistes entraînées à la peinture et à la calligraphie. Les “négafate” sont des professionnelles. Il manquait aux musulmans de France le champagne et ses bouchons à faire sauter quand la fête est à son paroxysme. Depuis peu, ils ont leurs bulles. C'est le résultat d'une rencontre entre un cadre commercial et un biologiste algériens. Le cham'allal (contraction de champagne et de hallal) est commercialisé depuis trois mois dans certaines grandes surfaces au prix de 6 euros. On peut même le trouver au célébre restaurant Monte Cristo, institution de la nuit parisienne sur l'avenue des Champs-Elysées. “Quel musulman de France ne s'est pas trouvé dans une situation où il résiste à l'invitation de lever sa flûte de champagne ?” C'est à cette lancinante interrogation qu'a tenté de répondre Rachid Gacemi, un éditeur de logiciels, bien loin du domaine agroalimentaire. Grâce à lui, les musulmans peuvent désormais “faire péter le bouchon” du cham'allal qui a reçu la certification du très rigoureux Institut islamique des viandes et de l'agroalimentaire. Au Salon du mariage oriental, la robe kabyle a pris de nouvelles lignes. Dans la capitale mondiale de la mode, elles sont si épurées que nos mères ne se verraient pas sous son étoffe. À cet exercice de stylisme, s'est par exemple livrée Ouarda Helli, une jeune née à Bouzghène, en Kabylie. Après un BTS de secrétaire trilingue, elle a préféré abandonner les directeurs et le stress des sociétés pour créer sa propre entreprise. Elle a puisé dans l'énergie de sa mère, couturière à temps perdu comme dans nos montagnes, pour lancer sa griffe et sa propre boîte. Le résultat est étonnant. “Les jeunes filles immigrées ne veulent pas aller se marier au bled même si elles en ont la nostalgie. Les canons esthétiques ont aussi changé.” Entre contraintes et rêve, Ouarda a tenté de tracer une voie entre la tradition et la modernité. C'était le sens du salon : prestations modernes et rituels anciens. A. OUALI