Qui ne se souvient de ces scènes que l'on retrouve dans les archives visuelles post-indépendance mais qui sont toujours présentes de nos jours aux quatre coins du pays et tendent même à se multiplier ces dernières années. Il n'est pas tout à fait 7h30 du matin, la rosée qui tombe en perles recouvre les arbres, la terre et les champs. L'air commence à être vif à cette heure-ci. Sur la route qui mène à la commune de Sidi Chahmi (daïra d'Es Sénia), la circulation est dense. Sur le bas côté, des enfants, filles et garçons, habillés d'un tablier, portant leurs cartables, font signe de la main aux automobilistes qui passent généralement sans presque les voir. Leur visage et leurs épaules tombantes trahissent leur envie de dormir encore alors qu'ils ont plusieurs kilomètres devant eux qui les attendent. Ces enfants scolarisées dans le moyen font ainsi chaque matin de l'autostop pour rejoindre leurs établissements scolaires. Ils habitent au niveau de l'agglomération Emir-Abdelkader (Ex-St Remy) dépendant de la commune de Sidi Chahmi mais, qui se trouve distante de plusieurs kilomètres, au grand malheur de ces enfants et de leurs parents. Il faut reconnaître que pour ces enfants, aller ainsi de bon matin à l'école en autostop est déjà synonyme d'épreuve et de contrainte. Avant même d'avoir pris place en classe, ces enfants sont handicapés et pénalisés. Ces images d'enfants marchant dans la campagne faisant de l'autostop, la mine abattue, le cartable sur le dos étaient frappantes au lendemain de l'indépendance. Qui ne se souvient de ces scènes que l'on retrouve dans les archives visuelles post-indépendance mais qui sont toujours présentes de nos jours aux quatre coins du pays et tendent même à se multiplier ces dernières années. C'est le cas dès que l'on sort du centre-ville d'Oran, car nombre de familles vivant dans des communes rurales et des bourgades isolées de la wilaya (Boutlelis, El-Kerma, Bethioua, Cap Blanc, etc.) sont confrontées au problème du transport scolaire. Pour bien des parents, la situation est telle qu'il a fallu interrompre la scolarisation de leurs enfants, surtout les filles. La crainte que celles-ci ne tombent sur un automobiliste aux intentions malveillantes a poussé à cette ultime décision. Quelle qu'en soit la raison, finalement, c'est l'enfant qui reste, de toute façon, la seule victime. Lors de la rentrée scolaire, la direction de l'éducation avait établi un déficit de plus de 40 bus pour assurer le transport scolaire au niveau de la wilaya d'Oran. Le parc en fonctionnement avait été à ce moment évalué à 47 bus en circulation. Chiffre qu'il faut relativiser compte tenu des pannes et des “détournements” de ces bus par des communes qui les utilisent à d'autres fins. Mais pour les mères et pères de famille de ces enfants, que valent les explications de moyens de gestion, d'organisation et de prévision dans le cadre d'une carte scolaire conçue selon les normes ? Rien, car c'est la peur au ventre qu'ils envoient chaque jour leurs enfants à l'école, sachant au fond d'eux-mêmes qu'ils auront ainsi plus de chance de se retrouver, au bout de quelques années, dans le gros des troupes des recalés du système scolaire algérien. Djamila L.