La surliquidité des banques algériennes est l'expression de ressources ne trouvant pas emploitandis que la crise financière mondiale est née d'un excès de dynamisme. La crise financière qui secoue actuellement le monde, tenant en haleine aussi bien les Etats les plus puissants de la planète que les experts les plus avertis, aura au moins le mérite de livrer des vérités sur le tout libéral et sur la flagrante vulnérabilité du système financier qui a toujours prédominé. Les plus grandes puissances semblent ainsi tomber dans leur propre piège, celui de l'extrême ouverture. Aujourd'hui, et face à l'étendue de la menace qui prend inéluctablement des dimensions politiques, l'heure est au retour déclaré et solennellement affiché du tout-Etat dans le circuit des affaires. La leçon vient justement de la première puissance mondiale, la plus libérale, les Etats-Unis d'Amérique qui, au nom de la sécurité économique de leur pays, tordent ouvertement le coup à tout principe de pur libéralisme et recourent à l'interventionnisme d'Etat pour voler au secours de leurs banques privées et de leurs puissantes compagnies d'assurances. Les Américains ont tout simplement nationalisé certaines de ces institutions financières sans que cela ne soulève une quelconque levée de boucliers. Mieux, la démarche américaine, avec la même célérité qu'a connue la crise a vite fait d'être adoptée par les Etats européens qui commencent eux aussi à signer leur lot de nationalisations. Tout cela sur fond d'inquiétude et sur fonds publics en demeurant à l'affût pour connaître les noms des prochaines institutions candidates à la faillite. L'assèchement des marchés, où les liquidités ont comme par enchantement déserté les plus actives places financières du monde, a provoqué une panique inédite qui est en train de donner naissance à de nouvelles formes de business. Une nouvelle carte, voire architecture financière où la main tendue de l'Etat est ouvertement visible, est en train de se redessiner dans les plus hautes places à l'instar de Wall Street, symbole par excellence du pur libéralisme. Du jour au lendemain, et au prix fort, les effets désastreux des dérives spéculatives ont donné raison aux tenants de la doctrine prudentielle qui prône la présence de l'Etat sur le marché. Où s'arrêtera la crise, quand, et à quel prix sera facturée pour le reste du monde cette dérive américaine ? Car au-delà de l'interconnexion et de l'interdépendance économique et financière de ce monde, il faut rappeler que quand l'économie américaine éternue, le reste du monde retient son souffle. Si dans ces pays l'alerte s'est propagée à travers l'absence de liquidités, en Algérie par contre, les banques croulent dans des surliquidités étouffantes. Deux situations totalement opposées. Ce qui illustre parfaitement le déphasage de l'économie algérienne avec celles ayant cours dans les pays développés. Les surliquidités des banques algériennes sont l'expression d'une ressource qui ne trouve pas emploi, du fait de la sous-activité économique et de la rareté des investissements alors qu'à l'opposé, la crise financière mondiale est née d'une sur- activité et d'un excès de dynamisme. Cela ne signifie point pour autant que l'Algérie est totalement à l'abri, considérant au moins sa présence sur la scène financière internationale à travers les placements d'une partie de nos réserves de changes en bons de Trésor américains. Et, à ce titre, nos avoirs à l'étranger, notamment aux Etats-Unis risquent de se réduire en placements non productifs car largement rattrapés et dépassés par les taux d'inflation dont le niveau absorbe tout espoir de rémunération. Il y a déjà cette perte en termes de rentabilité, conséquence directe de la crise. En dehors des impacts sur les prix des hydrocarbures, principale ressource de l'économie algérienne, le risque de dépréciation du dollar, notre monnaie d'exportation par excellence, pèse toujours sur nos recettes. Sans une véritable clarification sur les proportions dans lesquelles nos réserves de change sont libellées et placées à l'étranger, l'inconnue demeure entière sur le niveau des pertes de change que nous risquerions de subir. Les effets compensatoires en termes de taux de change entre les monnaies dans lesquelles sont placées nos réserves ne pourront être substantiels qu'à la condition de répartir la mise, suivant des proportions judicieuses préalablement étudiées. Or, sur cette question aucune précision n'a été fournie par les officiels. Aussi modeste soit-elle, comparée aux autres nations, l'Algérie est partie prenante, fut-elle passive, dans la sphère financière mondiale. Et par ailleurs, en plus du dinar algérien qui est notre monnaie officielle, le dollar, de par son rôle dans notre économie fait office de notre deuxième monnaie et à ce titre ses caprices aussi bien haussiers que baissiers se font ressentir directement sur nos richesses. Maintenant, quant à l'opportunité de recourir dans la forme et dans le fond au placement des ressources en bons de Trésor américains, le débat mérite d'être ouvert contrairement aux fonds souverains qui sont autrement plus rémunérateurs et, bien entendu, plus risqués. Le président de la République a tranché pour rejeter catégoriquement ce mode opératoire dont le fonctionnement, il est vrai, recommande un suivi par des spécialistes chevronnés, rompus aux techniques financières internationales. C'est une forme de placement judicieuse hautement rémunératrice mais à paramètres volatiles qui exige d'abord une couverture de risque politique. Abdelkrim Alem