Il n'est plus question d'ouverture de capital tant que la situation de crise persiste. Moussa Benhamadi, P-DG d'Algérie Télécom (AT), a animé hier au siège de l'entreprise une rencontre avec la presse pour annoncer la tenue du 1er salon “Relation client” concernant l'activité et le développement des centres d'appel qui aura lieu à Alger les 11, 12, et 13 novembre prochain. L'occasion propice pour les journalistes de rebondir sur la situation actuelle d'Algérie Télécom. Imperturbable comme à son habitude, M. Benhamadi s'est prêté aux nombreuses questions, reconnaissant sans détour “des problèmes de trésorerie” et d'autres défaillances, à commencer par l'incapacité d'AT à répondre aux attentes des clients pour ce qui est du seul téléphone fixe dont les demandes insatisfaites s'élèvent à 37 000.Autrement dit, il est question de véritables difficultés générées directement par 70 milliards de DA de créances aggravées par plusieurs autres paramètres tels que la mauvaise gestion et un passif qui n'a fait que freiner le développement du groupe qui s'est délecté, depuis la filialisation, des temps de faste sans prendre des dispositions pour les années de vaches maigres. “Nous sommes défaillants en matière de réactivité”, dira M. Benhamadi insistant sur le fait qu'il faudra coûte que coûte changer leur approche managériale dans leur rapport avec le client et engager, très vite, des actions pour remédier à cet état de fait qui, selon le P-DG d'AT, seront présentées publiquement incessamment. Défilialisation de Djaweb comme premier sacrifié Il est dit pour la première fois que Djaweb en tant que filiale à part entière n'existera plus et sera cantonnée en simple division. C'est que AT ne peut plus se permettre le luxe d'une filiale qui, en définitive, “bouffe” de l'argent sans en générer, notamment depuis la décision de réduire le coût d'Internet de 50%. Ce qui aurait dû susciter l'engouement des clients et redonner un second souffle à la téléphonie fixe a eu l'effet inverse signant, ainsi, la mise à mort de Djaweb en tant que filiale. À se poser des questions dans ce cas sur les véritables performances des produits offerts et des efforts fournis et dont les produits offerts ne défiaient pas déjà la concurrence n'étant pas toujours de bonne qualité en termes de débit et de prestations. À noter que les autres ISP n'ont pas suivi les recommandations du gouvernement à propos de cette réduction. “Nous ne voulons pas continuer à activer uniquement en tant qu'opérateur de téléphonie, mais nous comptons nous développer en tant qu'intégrateurs et fournisseurs de solutions”, a indiqué M. Benhamadi parlant de l'alternative à même de constituer une porte de sortie à cette crise qui secoue AT, et qu'il n'est plus question de dissimuler au risque de se retrouver en disgrâce par rapport au partenaire social qui, vraisemblablement, ne voit pas d'un bon œil ces mesures d'austérité. “À défaut d'être en mesure d'exporter, nous devons au moins limiter les importations”, dira M. Benhamadi en partant de généralités pour arriver au stade macro et plaider pour des actions de transformation loin des réflexes de monopole dont AT a du mal à s'en débarrasser de l'aveu même de P-DG du groupe. “Si le développement avait bien fonctionné, l'Algérie aurait été en mesure d'offrir des appels locaux gratuits dans 3 à 4 années, mais pour cela il faudrait d'autres produits de compensation”, a expliqué M. Benhamadi. Algérie Télécom ne profite pas de sa position de monopole Les créances d'AT qui s'élèvent à 70 milliards de DA non recouvrés auprès des institutions publiques, qui s'avèrent être de très mauvais payeurs, pèsent en effet très lourd dans la balance de l'échec, mais pas seulement. AT non seulement ne bénéficie plus de subventions de l'Etat mais l'on continue à lui demander de jouer son rôle de service public. Dernière sollicitation en date n'est autre que le drame des inondations de Ghardaïa. Algérie Télécom, qui a mobilisé ses troupes pour cette malheureuse circonstance, a dû fournir, dans le cadre du plan Orsec, 6 000 lignes de WLL en moins de 24 heures pour ne citer que cet exemple. Un paradoxe difficile à expliquer au moment où les investissements pour un meilleur déploiement se font de plus en plus pressants pour se maintenir sur le marché en tant que leader. Le bref passage de Lacom en tant que concurrent a révélé très vite la vulnérabilité d'AT qui se targuait de s'attaquer à des produits tels que le FTTH (Fiber to the Home). Il faut dire qu'Algérie Télécom s'est attaquée à des chantiers certes nécessaires, mais très coûteux (lourds investissements) tout en s'assignant l'obligation de rentabilité. Le segment téléphonie fixe, qui constituait la partie la plus importante de son CA, était, déjà depuis un certain temps, en continuel décroissement et la tendance ne semble pas s'arranger, et ce, malgré des opportunités inespérées ne serait-ce qu'en termes d'extension des villes où la création de nouvelles à l'image du projet de Dounya-Parc qui nécessitera, selon les prévisions, des milliers de lignes sans compter les nouvelles cités AADL et autres promotions immobilières dont les foyers ne sont pas pourvus de lignes téléphoniques. M. Benhamadi reste optimiste et confirme bel et bien l'existence d'une réelle demande, indiquant que la situation pourrait s'améliorer puisque plusieurs accords ont été passés avec des institutions et des entreprises pour développer leur réseau. Pour peu que l'on n'assiste pas, dans quelques années, à un remake et dans l'état actuel des choses, c'est sans compter sur la privatisation (ouverture du capital) d'Algérie Télécom reléguée désormais aux calendes grecques. “La décision nous dépasse et revient au gouvernement. Mais il n'est pas question d'aller vers cette option en position de faiblesse”, martèlera M. Benhamadi qui, à l'occasion, a carrément sollicité l'inévitable intervention de l'Etat en maintenant comme option première le fait de compter sur soi-même et être plus efficace. Nabila SaIdoun