Simple rumeur ou information confirmée ? Où est le faux où est le vrai ? Voilà des questions qui n'ont pas cessé de tarauder, hier, les esprits des habitants de la wilaya de Tizi Ouzou, particulièrement ceux des deux paisibles localités de Béni Douala et des Ouadhias, après l'annonce de la mort de sept jeunes de ces régions à Johannesburg, en Afrique du Sud. L'affaire a polarisé toutes les attentions, occupé tous les espaces et semé, chose évidente, une grande inquiétude, une psychose, une consternation et un interminable débat sur fond de rumeurs et une seule vérité parlante. Il aura fallu prendre le chemin escarpé et sinueux des villages de Béni-Douala pour rechercher le vrai du faux qui permettra de mettre fin à ce vent d'inquiétude et d'affolement qui a secoué la région au petit matin. Arrivant au centre de Béni-Douala, on nous montre un chemin vers une demeure où un décès est annoncé. C'est un appartement au dernier étage d'un bâtiment où habitent, nous dit-on, les Djadel récemment venus de Tizi Hibel. Le défunt s'appelle Takfarinas, un jeune de 19 ans. Il a perdu la vie en Afrique du Sud qu'il a ralliée il y a à peine quatre mois via l'Egypte, nous a expliqué sa mère. “Il a été chassé par la misère de Béni-Douala pour être rattrapé par la mort en Afrique du Sud”, ajoutera en pleurs cette mère éplorée et choquée par cette nouvelle apprise par téléphone auprès d'une personne qui s'est présentée comme un ami à Takfarinas. Cette personne qui s'est présentée comme un rescapé aurait expliqué qu'elle était avec Takfarinas dans le même appartement qu'ils occupent avec cinq autres jeunes de la région, dans la banlieue de Johannesburg, et qui étaient tous ensemble lorsqu'ils auraient été attaqués et assassinés, il y a une dizaine de jours, par une bande portant des armes blanches. Personne à Béni-Douala, ni à Tizi Hibel n'a pu citer le nom de ce rescapé qui a contacté la famille de la victime. Dans la demeure des Djadel, la mort tragique du jeune Takfarinas semble en tout cas être une vérité. On le pleure et on prépare son enterrement sans toutefois savoir quand et comment il sera rapatrié. De sources crédibles, on a appris que son rapatriement se fera dans une dizaine de jours. Mais qu'en est-il des quatre autres jeunes de Taguemount Oukarouche, un village situé à une dizaine de kilomètres du chef-lieu de la daïra de Béni-Douala, et encore des deux de Ouadhias, situé à 45 kilomètres de la ville de Tizi Ouzou, cités comme victimes dans ce même drame ? Devant le siège de l'APC de Béni-Douala, on rencontre O. Mokrane, un fonctionnaire de l'Agence de développement social et membre actif du comité du village Taguemount Oukarouche qui a tenu à démentir la mort de quatre jeunes de son village en Afrique du Sud. “Nous n'avons même pas d'émigrés en Afrique du Sud”, nous a-t-il expliqué, lui qui dit connaître le mieux son village. Ne voulant pas nous contenter de la version de Mokrane, nous prenons le chemin de Taguemount Oukarouche où nous arrivâmes au bout de 10 minutes en voiture. Sur la place du village, rien n'indique qu'on se prépare à un enterrement. Une ambiance ordinaire régnait au village. Les personnes que nous avions interrogées disent avoir appris la nouvelle à travers le journal. “Une nouvelle qui est fausse”, tranchent-elles. “Nous n'avons même pas de jeunes qui sont partis en Afrique du Sud ces dernières années”, disent les villageois, confirmant les dires de Mokrane. Sur le chemin du retour, deux jeunes croisés au hasard nous apprendront toutefois que quatre jeunes sont partis l'année dernière, mais en Grèce. Un homme d'un certain âge ajoutera : “À moins qu'il s'agisse de jeunes originaires de Taguemount Oukarouche, mais habitant ailleurs.” Dans la région des Ouadhias, une région qui compte un nombre important d'émigrés en Afrique du Sud, les habitants ont été pris de panique et se sont vite mis à chercher à confirmer la terrible information. La plupart, pour ne pas dire la totalité, de ces émigrés ont été contactés mais aucun d'eux n'est au courant de cette affaire, nous a expliqué le vice-président de l'APC de Mechtras Oubriouane Makhlouf. “Nous avions même contacté l'ambassade d'Afrique du Sud à Alger et on nous a déclaré qu'il s'agissait d'un suicide”, a déclaré ce même élu de l'APC de Mechtras. Samir LESLOUS