Alger renouerait-elle avec le neuvième art ? Il faut vraiment y croire dans la mesure où le Festival international de la BD peut en constituer le point de départ. Jeudi, à la Bibliothèque nationale du Hamma, des dizaines de curieux se sont arrêtés devant les images made in Tunisia. Des planches de caricaturistes et bédéistes, dont Seif Eddine Nechi, Rebai Miduni, Imad Ben Hamda, ornent le hall de la bibliothèque. Le public, des étudiants pour la plupart, découvre le quotidien des voisins tunisiens avec une certaine curiosité. Le piston, la dégradation des valeurs humaines, la bureaucratie…, les artistes voisins n'y ont pas été de main morte. Et si les étudiants commencent à déserter les lieux, de nouveaux venus arrivent par groupe. Eux, ce sont des vrais amateurs de BD. Ils ont rendez-vous avec Ilan Nguyen, critique d'art japonais et organisateur de plusieurs manifestations internationales de bande dessinée. La conférence, qui doit porter sur les mangas japonais, est programmée à 17 heures. Celle-ci débute avec une petite demi-heure de retard. D'emblée, Ilan Nguyen retrace l'histoire des mangas, un phénomène qui a vu le jour il y a neuf siècles au Japon. “Tout a commencé au XIIe siècle avec les rouleaux illustrés. Cela se présentait comme un film d'animation. Et c'est devenu accessible au public grâce aux gravures sur bois”. L'existence d'une tradition du récit illustré a encouragé le développement de la bande dessinée au Japon, explique le conférencier, qui précisera que le mérite revient à Katuchka Rouksai. “manga”, c'est la bande dessinée tout simplement, poursuit l'orateur en précisant que ce sont des images libres et pas forcément de dérision. “Les mangas sont des croquis cocasses sur le vif. Des portraits que l'artiste dédie à l'homme, aux armes et aux animaux.” Ces dessins se développeront au milieu du XIXe siècle avec l'arrivée de la presse et la publication des revues BD. Ilan Nguyen expliquera que l'émergence du cinéma d'animation, dans les années 1930, permettra de mettre en image des récits pour enfants. La menace de la télévision poussera les éditeurs à éditer les revues hebdomadaires et les BD feuilletons. Tout en mettant en exergue le développement technique des planches, il indiquera que pas moins de 10 000 pages de BD sont éditées par an au Japon. “Et même si la production est collective, elle reste artisanale et n'a rien d'industriel contrairement à sa diffusion”, indiquera le conférencier. Concernant le film d'animation, il précisera que les studios de production ont fini par réduire le nombre de dessins afin d'aboutir à une moyenne de 20 minutes à diffuser pendant toute une semaine. Au programme de cette conférence également, des séances de projection, notamment d'un des plus anciens films d'animation japonais l'Ile aux singes. Et c'est reparti pour une nouvelle aventure très “japanese” au bonheur de tous les accros de manga, grands et petits. Très petits même. W. L.