Alger a abrité la semaine dernière le deuxième Festival de la bande dessinée. Beaucoup de monde, beaucoup de jeunes surtout, et les voir affluer de plus en plus nombreux jour après jour devenait même suspect. Cette jeunesse qui allait de stand en stand comme un poisson échoué qui venait de retrouver la vague, n'était même pas au stade de la conception à la fin des années 1980, lors du Festival de la BD et de la caricature de Bordj El-Kiffan. Suspect parce qu'après cet âge d'or relatif, la BD est retombée dans l'âge du noir ou du blanc, mais jamais dans les deux ensemble pour faire un album, un magazine ou même une planche dans un journal, et ce, pendant plus de vingt ans ! Alors ! comment l'ancienne génération essaye de s'expliquer cet engouement actuel, elle qui croyait avoir laissé pour morte la bande dessinée en Algérie après tant d'années d'abandon ? Peut-être est-ce dû à la frustration de la moyenne première édition du festival l'an passé, ou est-ce l'attrait de la nouveauté, ou tout simplement à l'arrivée d'une nouvelle génération de curieux, d'amateurs. Pourtant, lorsque leur est posée la question : “Avez-vous déjà lu une BD ?” encore au grand étonnement des anciens, la réponse est presque toujours affirmative, certains avouent même en lire beaucoup ! Comment ? “En piochant dans la bibliothèques des parents” ? “Euh… non”, répondent-ils en dévisageant leur interlocuteur comme un extraterrestre, puis ils rajoutent : “Ben on lit des scans…” - “Ce n'est pas les dessins animés ?” - “Si, mais après on est passé aux scans… sur le web” À ce moment de la discussion, les anciens, qui ont pour certains la juste impression d'avoir raté un épisode important, demandent plus d'explications. C'est à travers le dessin animé et plus particulièrement l'anime (dessin animé japonais) puis avec l'arrivée d'Internet que la bande dessinée refait surface. Souvent, ces dessins animés adaptés de mangas (bandes dessinées japonaises) accusent un retard par rapport à la version papier, les fans se mettent alors à télécharger à travers une multitude de sites de passionnés les fameux scans, les versions papier numérisées sont très vite disponibles au téléchargement en masse. Il n'est alors plus nécessaire de préciser que la magie de la bande dessinée finit par opérer, transformant beaucoup de fans d'animes en amateurs de mangas, puis, ouverture du web et curiosité aidant, élargissent la passion sur la BD en général. Cette façon de lire la BD exclusivement à travers l'écran favorise alors l'émergence des blog-bd, que les dessinateurs, déjà publiés ou pas, alimentent avec des strips, des planches, voire avec des “albums” complets. Lena Merhej, la gagnante libanaise du meilleur album de BD international et de la meilleure revue de BD offre à ses lecteurs des planches sur son site lenamehrej.com et sur le site de la revue qu'elle édite avec un collectif, samandal.org, elle propose trois numéros en téléchargement libre à lire sur écran ou à imprimer. Natsu, le gagnant du concours de jeunes talents et déjà dessinateur de BD dans le magazine Laabstore, et qui vient de sortir son propre album aux éditions Z-link, fréquente souvent des forums tels dzart.com ou accrotv.net où il poste ses dessins. On pourrait aussi penser que les Algériens ne sont “tournés” que manga, bien évidement non, la preuve nous en est donnée par Nawel Louerrad, et qui sur son blog (nawel-louerrad.blogspot.com) présente des dessins magnifiques et originaux et qui mènent vers un autre blog, d'un autre Algérien, Adleïne Chader (furiousfish.blogspot.com) tout aussi époustouflant d'audace et de fraîcheur. Quant aux illustrateurs, vous en trouverez des dizaines sur, entre-autres, le site deviantart.com où des illustrateurs aussi talentueux que Rym Mokhtari, dessinatrice dans la revue pour enfants Chadi Madi, se retrouvent et présentent des dessins à vous couper le souffle. Une chose est sûre, on n'a pas fini de parler de BD algérienne, et surtout de la retrouver là où on l'attendait le moins. Et du coup, bonne nouvelle, dans la foulée du Fibda nous est proposé El Bendir, un nouveau magazine de BD qui donne enfin un support papier digne de ce nom à tous les créateurs, qu'ils soient génération M'Quidèch ou génération Mangaka, pour le plus grand plaisir de tous les amateurs. H. Y.