“L'acte de censure est inqualifiable et intolérable. Il nous rappelle une république bananière”, a déclaré hier Mohamed Benchicou lors d'une conférence de presse. Bien qu'éprouvé physiquement, Mohamed Benchicou, ancien directeur du Matin, journal fermé depuis 2004, n'est pas prêt de céder devant les pressions qu'il subit autour de son nouveau livre, saisi récemment à l'imprimerie Mauguin à Blida. Au stade de manuscrit, Journal d'un homme libre qui a fait “l'objet d'une descente policière et d'une perquisition dignes des films” est une fiction, selon l'auteur, qui se penche “sur la lutte pour un troisième mandat vu par ses codétenus”. “Je ne me tairai pas sur cet acte de censure médiévale”, a indiqué, hier, Benchicou lors d'une conférence de presse tenue au siège du Soir d'Algérie à Alger. “Je vais explorer toutes les voies légales pour faire imprimer ce livre en Algérie, car en France il sort fin octobre”, a précisé le journaliste. “L'acte de censure est inqualifiable et intolérable. Il nous rappelle une république bananière”, a encore ajouté Benchicou qui s'étonne que cette “descente” intervienne au moment où le président de la République s'en va prêcher dans le lointain Canada, les vertus et la bonne santé des droits de l'Homme et de la liberté d'expression dans notre pays. “C'est pourquoi, il faut dénoncer cet acte !” a-t-il dit. Selon l'auteur des Geôles d'Alger, la responsable de l'imprimerie a reçu “l'ordre d'en haut de surseoir à l'impression du livre”. Pourtant, explique-t-il, le livre a souscrit à toutes les procédures légales. Il dispose même d'un numéro légal, ISBN enregistré auprès de la BN. Le contenu du livre serait-il à l'origine de cette descente policière ? “Je ne pense pas, je crois que ce qui a motivé l'action, c'est le message qu'on veut délivrer aux intellectuels et aux auteurs de ce pays : Benchicou est un exemple à ne pas suivre.” “Pourtant, ajoute-t-il encore, je ne suis pas un insoumis. Ils sont attachés à l'exemplarité. Ils sont dans une logique de pouvoir.” Journaliste talentueux, auteur de plusieurs publications, Mohamed Benchicou, en dépit des pressions, n'est pas disposé à saisir la justice algérienne. Raisons ? “Au risque de heurter la sensibilité de certains, je ne crois pas à la justice algérienne. La procédure légale, si tel était le cas, voudrait que le livre sorte”. Son seul souhait désormais est que les intellectuels, les éditeurs et les journalistes réagissent. “J'espère que nos écrivains, nos éditeurs réagissent, car dans l'histoire ce n'est pas Benchicou qui en pâtit seulement, mais c'est la liberté d'expression qui est hypothéquée”. “Cela touche la corporation et tous ceux qui ont le droit de s'exprimer. Nous aurions dû rentabiliser mes deux ans de prison pour faire avancer la liberté d'expression, mais ce n'est pas le cas. On voit le résultat aujourd'hui”, regrette-t-il. En tout cas s'il ne trouve pas d'imprimeur, Benchicou promet de mettre le livre sur Internet. Karim Kebir