Après avoir souligné que le secteur ne connaît pas une croissance significative de la production, l'auteur du texte relève que la privatisation de la sidérurgie algérienne n'a pas permis de disposer de l'acier necessaire aux besoins de l'économie nationale. De toutes les façons, Arcelor Mittal a, en termes d'investissements dans la région, donné la priorité à la sidérurgie marocaine où il détient près de 64% d'actions, laissant la minorité de blocage de 35% aux décideurs locaux. Les complexes de Jorf Lasfar sur la côte Atlantique et de Nador sur la côte méditerranéenne sont en pleine expansion, et une nouvelle ligne compacte de produits sidérurgiques plats y est en fin de réalisation. Pourtant, cet accord de prise de participation par Arcelor Mittal ne date que de 2006 et non de 2001 comme en Algérie. En contrepartie des conditions imposées par Arcelor Mittal aux autorités algériennes, en 2001, lors du rachat d'El-Hadjar (pas d'investissements des entreprises publiques algériennes dans la sidérurgie pendant dix ans entre autres), le partenaire indien, premier producteur dans le monde, devait mener d'importants investissements pour augmenter la production et surtout remettre à niveau le complexe sidérurgique d'El-Hadjar. Ce qui avait été toujours refusé par les autorités aux gestionnaires algériens d'El-Hadjar avait aussi été accordé au repreneur étranger ; “l'Etat consentira, encore une fois, à céder au groupe indien la mine de fer d'El-Ouenza. Avec la cession de la dite mine de fer, le sidérurgiste indien pouvait bénéficier d'un minerai de fer à bon marché”. Les investissements promis par Arcelor Mittal n'ont pas été réalisés En sept années de gestion du complexe sidérurgique d'El-Hadjar et des mines de fer de l'Ouenza et de Boukhadra, les investissements promis lors de la privatisation n'ont pas été réalisés. Seul un laminoir à rond à béton de 350 000 t/an y a été réalisé, et encore, Sider avait auparavant investi plus de 60 millions de dollars pour mettre à niveau le laminoir de produits plats laminés à chaud et surtout porté la capacité de l'aciérie électrique de 100 000 à 400 000 t/an avec une installation de coulée continue de billettes pour la production de ronds à béton. Arcelor Mittal n'a fait que finir cet investissement en installant ce laminoir sur un emplacement déjà aménagé par Sider. La démultiplication des incidents techniques aux hauts fourneaux, à l'aciérie à oxygène et aux centrales électriques internes s'expliquerait actuellement par l'absence des investissements courants et normaux de maintenance préventive. Sider a même fait le travail ingrat avant la privatisation, c'est-à-dire ramener les effectifs de Sider de plus de 17 000 travailleurs à 8 500 au jour de la privatisation, et elle venait d'injecter au complexe sidérurgique d'El-Hadjar 400 nouveaux ingénieurs et 400 nouveaux techniciens supérieurs pour améliorer le taux d'encadrement du complexe qui était déjà largement supérieur à celui de la moyenne nationale dans l'industrie. De plus, Arcelor Mittal Steel n'avait plus à vendre les produits sidérurgiques à travers un réseau de vente couvrant tout le territoire national et avec un barème des prix identique à Tamnarasset, Tindouf ou tout autre région du pays : Arcelor Mittal vends les produits sidérurgiques aux prix internationaux sortie usine ou dans les dépôts qu'il a consenti à reprendre et situés dans les grandes zones de consommation du nord du pays. Par ailleurs, il est utile de signaler que deux laminoirs pour la production de ronds à béton ont été installés par des industriels privés, mais tardent à entrer en production en raison de l'absence de demi-produits, les billettes d'acier, produit difficile à trouver sur le marché international car les sidérurgistes se le réservent pour leurs propres laminoirs. De ce fait, la billette d'acier est vendue presque au même prix que le rond à béton, d'où l'inutilité d'un investissement d'un laminoir sans sa propre aciérie. Une mini-aciérie avec laminoir de rond à béton serait aussi en cours d'achèvement de réalisation dans la région d'Alger. Un bilan, plus qu'un procès En fait, l'industrie sidérurgique algérienne, industrie d'infrastructure avant d'être une industrie de base, a été laissée au bon vouloir des investisseurs privés et surtout étrangers. Notre propos n'est pas de faire le procès d'Arcelor Mittal Steel, qui est en fait un investisseur venu en Algérie pour faire du profit à moindre risque et au moindre coût. En sept années de gestion, Arcelor Mittal avait largement le temps et les moyens de réaliser les investissements d'extension et de mise à niveau sur lesquels il s'était engagé et pour lesquels il avait obtenu des concessions et des avantages incommensurables. Même la conjoncture lui était favorable, jamais la sidérurgie à travers le monde n'avait atteint un tel niveau de croissance de la production et des prix de vente, et Arcelor Mittal disposait en outre dans notre pays d'un coût de l'énergie électrique, du gaz naturel, du minerai de fer et de la main-d'œuvre bas et dérisoire par rapport à ses concurrents et par rapport à ses autres installations à travers le monde. La sidérurgie étant aussi une industrie de la manutention, grosse consommatrice d'énergie. Arcelor Mittal dispose à El-Hadjar d'un complexe de 800 ha parfaitement aménagé, doté de trois entrés-issues autonomes par voie ferrée et même d'une boucle ferroviaire permettant le déchargement en continu du minerai ou du charbon reçu par trains ; il y a aussi deux centrales électriques thermiques fonctionnant avec les gaz de récupération des hauts fourneaux et de la cokerie : ces deux centrales pourraient rapidement donner lieu à une centrale électrique à cycle combiné par l'adjonction de deux ou trois groupes électriques basés sur les turbines à gaz. Le complexe sidérurgique d'El-Hadjar dispose aussi d'une station de traitement et de recyclage de ses eaux usées d'un potentiel de production de 400 litres par seconde. De quoi assurer le fonctionnement autonome des hauts fourneaux et de la cokerie. Devant les blocages du projet appelé Cemel, on avait développé, à travers les ateliers métallurgiques et mécaniques, un potentiel de fabrication mécanique lourde avec une forge pouvant forger et traiter thermiquement des pièces d'acier de 7 tonnes, tous les sous-ensembles des équipements de fabrication et de manutention pouvant y être réparés ou fabriqués. Ces installations devaient être intégrées à un vaste réseau d'usines grandes et moyennes pour la fabrication des biens d'équipement lourds nécessaires à la maintenance et au renouvellement des grandes industries locales. Toutes ces possibilités et tout ce potentiel n'ont nullement été concrétisés et mobilisés pour les investissements d'extension et d'élargissement de la production d'El-Hadjar. Il est donc naturel qu'un bilan puisse être fait et que les conditions initiales de l'accord avec Arcelor Mittal soient corrigées afin que les entreprises publiques du secteur de la sidérurgie et de la métallurgie recouvrent leur liberté d'action en matière d'investissements sidérurgiques. Il s'agirait notamment pour des entreprises comme Anabib (tuberie) et Tpl (produits longs) de pouvoir participer activement aux investissements dans les sites sidérurgiques à développer à Djendjen au bord de l'eau et à Beni Saf. Des modules de 2 millions de tonnes chacun devraient immédiatement y être lancés en s'associant, le cas échéant, avec les investisseurs des pays du Golfe arabique qui ont déjà mis en œuvre des productions sidérurgiques dans leur pays ou avec l'égyptien Elezz Steel qui est un sidérurgiste compétent et intéressé par un investissement en Algérie : il aurait obtenu tous les accords pour investir et serait en attente d'un feu vert des autorités algériennes pour démarrer les travaux de réalisation d'un complexe sidérurgique basé sur la réduction directe par le gaz naturel du minerai de fer ; en fait un complexe sidérurgique comme l'avaient étudié et préparé les sidérurgistes algériens à la fin des années 1970 et qui devait entrer en production vers 1984 à Djendjen… Entre-temps ce type d'investissement a été réalisé et démultiplié avec succès à Misrata en Lybie, à Dikheila en Egypte, à Qatar, à Jubail en Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis, à Jorf Lasfar au Maroc… Nous exposons cela car nous venons aussi d'écouter le président du FMI déclarer qu'“en période de crise, il faut plus d'investissements publics et plus de secteur public”. Il faudrait aussi songer à faire ce qu'avait réalisé le schah d'Iran lors de la crise économique des pays occidentaux en 1974, disposant de capitaux grâce à la démultiplication des prix du pétrole et profitant de l'effondrement des cours boursiers des principales entreprises allemandes et britanniques, entre autres de l'engineering, de la construction mécanique et électrique lourdes ainsi que de l'industrie automobile, il fit racheter par les organismes iraniens des parts de capital appréciables de ces grandes entreprises. L'Iran tire encore profit de nos jours pour son développement industriel et technologique de ces investissements réalisés en temps opportun et chez les champions de la technologie et de l'industrie. R. A. *Consultant en économie industrielle (Titres et intertitres de la rédaction)