L'économie coloniale était fondée sur l'exploitation des ressources agricoles, minières, au profit des Européens. L'Algérie était un fournisseur de produits agricoles, de matières premières et de main-d'œuvre à bon marché pour la métropole. Le déclenchement de la Révolution du 1er Novembre a marqué une véritable rupture avec l'ordre colonial. La prise de conscience que l'Algérie ne pouvait être française avait été amorcée par le choc qu'avaient constitué les massacres du 8 Mai 45. La Révolution visait entre autres à ébranler les bases de l'économie coloniale. Celle-ci se caractérisait par l'exportation de produits agricoles — principalement vins et agrumes — et miniers vers la métropole. Les terres les plus riches étaient sous la propriété des colons, fruit d'un long processus de dépossession au 19e siècle. Des économistes rappellent que “la colonisation a réduit 6,5 millions d'Algériens dans les années 50 à l'exploitation de terres ingrates à faible rendement, en un mot à une agriculture de subsistance. Dans les services, 2,5 millions d'Algériens occupaient des emplois subalternes. La colonisation conduisait à l'appauvrissement des autochtones et au pillage des ressources et à l'émigration (main-d'œuvre bon marché”. L'écart des revenus, indique la même source, entre les Algériens et les Européens était de 1 à 48, dans les années 1950. Dans une contribution, Mustapha Mekidèche, expert international, a indiqué que les premiers titres pétroliers avaient été attribués aux compagnies françaises en 1952 dans le domaine de l'exploration à la veille du déclenchement de la Révolution. BRP, une société étatique française, découvrait du gaz en 54 dans le Sahara. Puis en 1956, le plus grand gisement algérien, Hassi-Messaoud. Les années 1950 ont marqué la montée de la production pétrolière en Algérie, au profit de l'occupant. Ce fait explique la volonté française de séparer le Sahara du territoire algérien, ayant pour visée de conserver les richesses pétrolières et gazières sous contrôle français. Le FLN a fait échouer cette entreprise. Mais il a dû concéder dans les accords d'Evian le maintien des privilèges français, c'est-à-dire la continuité de l'exploitation des ressources pétrolières du Sud algérien au profit des sociétés françaises. Il a fallu plus de dix ans pour que l'Algérie recouvre en 1971 sa souveraineté sur ses ressources pétrolières et gazières. Et ce n'est qu'au début des années 1980 que l'Algérie allait contrôler la totalité de ses richesses hydrocarbures. Découverte du gaz et du pétrole dans les années 1950 C'est cette logique d'exploitation des richesses agricoles, minières et plus tard pétrolières au profit de la métropole qui présidait à cette époque. Les colons étaient les instruments de cette politique. La population autochtone était en marge d'une telle accumulation d'argent. La France allait employer un outil de guerre impressionnant pour conserver l'Algérie sous son joug et perpétuer l'ordre colonial, en vue de briser les velléités d'indépendance. Albert Camus décrivait dans les années 1940 la grande misère des Algériens. La situation n'avait donc guère changé au début des années 1950. L'Algérie algérienne était alors acquise pour la masse d'ouvriers, de petits paysans et de chômeurs qui subissaient les injustices de l'administration coloniale. Le FLN, en déclenchant la Révolution le 1er Novembre 54, cristallisait la force qui allait bouleverser l'ordre régnant, satisfaire l'aspiration à la justice et à la liberté des opprimés. Pour des raisons historiques, liées à l'émigration en France et la découverte des idées de gauche, les acteurs du déclenchement de la Révolution étaient imprégnés des vertus du socialisme, la voie du prolétariat, à la mode à cette époque. Le colonialisme représentait l'asservissement des populations autochtones, ce qui explique qu'à l'indépendance, l'Algérie a opté pour le socialisme. Elle conservera cette voie pendant près deux décennies. Mais que sont devenues aujourd'hui ces valeurs de justice sociale, de liberté ? Quels progrès l'Algérie a accomplis durant plus de quatre décennies d'indépendance ? Il est incontestable que l'Algérie indépendante a accompli des efforts énormes dans le domaine de l'enseignement : la quasi-totalité des Algériens dans la tranche d'âge 6 ans à 15 ans sont scolarisés, des universités ont poussé à travers tout le territoire national : plus de 1 million d'étudiants fréquentent les facultés. Les fruits de cette politique sont mesurables dans l'importance des ressources humaines dans le pays (nombre de médecins, de pharmaciens, d'ingénieurs, d'avocats, d'enseignants universitaires.) Mais si l'Algérie a gagné la bataille de la quantité, elle est loin d'atteindre la qualité. Les quatre décennies d'indépendance ont également été marquées par la régression dans plusieurs domaines. Par exemple, dans les années 1960, l'Algérie exportait pour 400 000 tonnes d'agrumes par an. Elle se classait parmi les premiers producteurs d'oranges. Aujourd'hui, en dépit de l'extension des surfaces agricoles, l'Algérie ne figure pas parmi le top ten des producteurs d'agrumes. Les problèmes de gestion, de gouvernance, la corruption et la lutte de clans ont conduit aujourd'hui à un chômage élevé chez les jeunes, malgré le potentiel important de richesses et une manne pétrolière conséquente depuis 2000. Les séquelles d'une décennie de violence sont visibles. Une bonne partie de la population juvénile aspire à un statut de harraga. Ce qui montre que la symbolique Révolution a perdu de sa substance. Accès à l'emploi, au logement et au crédit difficile, redistribution de la rente inégale. L'avenir est devenu incertain pour une masse d'Algériens. L'Algérie est trop dépendante des fluctuations des prix du pétrole après plus d'une décennie de réformes. Les perspectives pourraient être positives à moyen et long terme : l'Algérie a un potentiel important en termes de richesses hydrocarbures, minières et en termes de ressources humaines. Elle a un immense territoire à aménager. Mais si l'inertie des gouvernants perdure face à des situations d'injustice, de répartition inégale de la rente, de marginalisation de franges importantes de la population, l'avenir pourrait s'annoncer sombre pour le pays. K. R.