Cheikh Abou Abdessalam, imam et retraité du ministère des Affaires religieuses où il a présidé durant des années l'assemblée des fatawi, a accepté de répondre à nos questions. Dans cet entretien, il estime que “les personnes d'autres confessions doivent être libres de pratiquer leur culte” car, explique-t-il, “la religion musulmane est tolérante”. Liberté : L'observation du jeûne durant le mois de Ramadhan est le quatrième pilier de l'islam. Selon la religion musulmane, faut-il punir ceux qui refusent de jeûner ? Abou Abdessalam : Le mois de Ramadhan est sacré par la religion, et chaque pratiquant doit jeûner durant ce mois. L'islam a spécifié des cas précis qui autorisent le croyant à ne pas observer le jeûne. Il s'agit de la maladie et du voyage. La non-observation du jeûne est, cependant, soumise à des conditions pour le musulman. Celui-ci doit compenser les jours consommés une fois rétablis ou lorsqu'il est de retour du voyage. En ce qui concerne ceux qui refusent de le faire, ils doivent respecter l'ambiance sociale et ne pas s'afficher en public. Cela est une question de civisme et de respect à toutes ces personnes qui se privent depuis l'aube au couché du soleil. Pour ce qui est de la punition, c'est à Dieu de les juger. La charia est claire pour ceux qui regrettent leur geste, l'islam propose de se racheter en jeûnant 60 jours ou en nourrissant 60 personnes démunies pour chaque jour de Ramadhan non respecté. Comment la société doit-elle se comporter avec les non-pratiquants ? En notre qualité de bon musulman, nous devons nous comporter avec eux d'une manière tout à fait correcte et normale car cela fait partie de leur vie privée. S'ils sont ouverts à la discussion, nous pouvons leur expliquer que le mois de Ramadhan est sacré chez les musulmans et qu'ils doivent respecter les jeûneurs et les conseiller dans ce sens et d'une manière très sereine. En ce moment, il existe une forme d'intolérance envers les personnes d'autres confessions. Que dit l'islam à ce propos ? La religion musulmane est tolérante. Elle nous conseille de nous comporter avec respect avec toute personne, qu'elle soit musulmane ou pas. Pour les non-musulmans vivant en terre d'islam, nous devons leur assurer tous leurs droits, à savoir la protection, la sécurité et la liberté de pratiquer leur culte, mais sans appeler au prosélytisme. L'islam est une religion d'humanisme, de tolérance et de respect d'autrui. Le Prophète lui-même a recommandé de protéger les personnes d'autres confessions, notamment les juifs et les chrétiens qui vivent en terre d'islam. Ces derniers temps, on parle beaucoup de prosélytisme et de mouvement d'évangélisation en Algérie. Estimez-vous qu'il existe réellement une menace ? Il faut savoir que ce mouvement existe dans le monde entier, pas seulement en Algérie. À mon avis, il n'y a rien à craindre, car notre religion est ancrée au plus profond de notre société. Il faut signaler que ce phénomène se développe seulement dans les milieux pauvres et nécessiteux. Des gens troquent leur religion contre de l'argent, des médicaments ou un visa. La conversion pour certaines personnes n'est qu'un moyen de se sortir de leur misère. Même si elle n'est que par intérêt et momentanée, nous devons prendre en charge ces démunies et leur apporter de l'aide afin de ne pas laisser le champ libre à n'importe qui. C'est le seul moyen d'empêcher toute forme de prosélytisme. Nous assistons également à une montée de mouvements islamistes dans notre pays, à l'exemple du salafisme. Que pensez-vous de cette tendance ? Il existe réellement des courants extrémistes, notamment les salafistes, mais ces mouvements ne doivent pas se livrer à une confrontation. Nous sommes tous des musulmans et chacun a le droit de pratiquer l'islam selon la tendance qu'il veut, car cela entre dans le cadre des libertés individuelles. Les prêches dans certaines mosquées contrôlées par les salafistes ont créé un fossé entre les pratiquants. Que recommandez-vous ? Tous ces mouvements découlent de la même religion, sauf qu'il existe certains courants plus rigoureux que d'autres. Nul n'a le droit de dicter à un autre musulman une pratique de l'islam. C'est ce type de confrontations qui crée des fossés parmi les musulmans car chacun veut imposer sa pratique. Il faut savoir que toute chose qui risque de perturber la sérénité de la société est interdite par notre religion. L'islam préserve la communauté qui est considérée comme un joyau dans laquelle les individus doivent évoluer en toute tranquillité. N. A.