Bouteflika semble chercher à donner des gages de modernité à la mouvance démocratique et à l'Occident très regardants sur les droits de la femme. Voilà qui nous ramène à nos primaires interrogations : les droits de la femme algérienne, pris en étau entre un problématique archaïsme et des velléités d'émancipation, méritent-ils une disposition constitutionnelle supplémentaire pour connaître leur plein aboutissement ? C'est en tout cas ce que suggère le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, dans son “homélie” devant les juges. “(…) Ce qui a été réalisé reste en deçà de ce qu'elle mérite (la femme, ndlr) et de ce que nous ambitionnons pour elle. C'est la raison pour laquelle nous avons encore appelé à poursuivre l'effort pour promouvoir la place de la femme algérienne dans notre société et rendre encore plus efficace son rôle vital dans la construction et le développement national en levant les obstacles pour lui permettre une contribution plus grande encore, au même titre que son frère l'Algérien, et ce, dans tous les secteurs. Cette démarche vise à l'encourager, particulièrement, à prendre une part active dans l'activité économique, politique et associative. Nous avons donc veillé à ce que le projet de révision constitutionnelle comporte une disposition nouvelle consacrée à la promotion des droits politiques de la femme et à l'élargissement de sa représentation dans les assemblées élues, à tous les niveaux”, affirme Bouteflika. Si l'on ignore, pour l'heure, la nature et le niveau de cette promotion projetée, il reste qu'une disposition de la Constitution de 1996, encore en vigueur, énonce clairement les droits qui sont reconnus à la femme. “Les institutions ont pour finalité d'assurer l'égalité en droits et devoirs de tous les citoyens et citoyennes en supprimant les obstacles qui entravent l'épanouissement de la personne humaine et empêchent la participation effective de tous, à la vie politique, économique, sociale et culturelle”, stipule l'article 31 de la Constitution. L'article 29 évoque en termes qui ne souffrent d'aucune équivoque l'égalité des sexes devant la loi. Dès lors, il s'agit de s'interroger sur les “non-dits” de ce grand intérêt de Bouteflika à la gent féminine d'autant que de l'avis quasi unanime, à l'exception des islamo-conservateurs, le meilleur cadeau à leur offrir aurait été d'abolir le code de la famille. Un code auquel on a apporté, au demeurant, quelques amendements cosmétiques, mais qui n'a pas été chamboulé fondamentalement, en dépit des discours prometteurs, maintes fois répétés, du Président depuis son accession à la magistrature suprême en 1999. Convaincu de la délicatesse du projet de révision — il faut bien se rendre à la triste évidence qu'il abolit l'un des rares acquis de la Constitution de 1996, à savoir la consécration de l'alternance au pouvoir —, Bouteflika semble chercher à donner des gages de modernité aux démocrates, mais aussi à l'Occident, sourcilleux, certes, sur les principes démocratiques, mais aussi très regardants sur les droits de la femme. Perçu comme l'initiateur de larges concessions aux islamistes, à la faveur de la concorde civile et de la réconciliation nationale, Bouteflika tente de faire passer la pilule d'une plus grande ouverture envers les femmes. Reste maintenant à savoir quelle serait la réaction de la mouvance islamiste, l'une des béquilles du régime de Bouteflika. En attendant, le Président soutient que ce qu'il souhaite par cette révision constitutionnelle est de “conférer une plus grande cohésion à notre système politique en enracinant des fondements aux repères clairs, en déterminant encore plus les responsabilités, en mettant fin au chevauchement des prérogatives et à la confusion des concepts. Tout cela consolidera les capacités de l'Etat pour le rendre fort et homogène et lui permettra de relever les défis du développement, d'affronter les dangers de la mondialisation et d'atteindre au développement et à la prospérité”. Toute une philosophie pour vendre un projet. Une autre République est en marche. Karim Kebir